EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTS

 

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE GÜLER ET UĞUR c. TURQUIE

(Requêtes nos 31706/10 et 33088/10)

ARRÊT

STRASBOURG

2 décembre 2014

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Güler et Uğur c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Guido Raimondi, président, Işıl Karakaş, András Sajó, Helen Keller, Paul Lemmens, Robert Spano, Jon Fridrik Kjølbro, juges, et de Abel Campos, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 4 novembre 2014,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouvent deux requêtes (no 31706/10 et no 33088/10) dirigées contre la République de Turquie et dont deux ressortissants de cet État, M. İhsan Güler et M. Sinan Uğur (« les requérants »), ont saisi la Cour respectivement le 5 mai 2010 et le 13 mai 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Les requérants ont été représentés par Me C. Kayhan, avocat à Ankara. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.

3. Devant la Cour, les requérants soutiennent en particulier que leur condamnation pour propagande en faveur d’une organisation terroriste, fondée selon eux sur leur participation à une cérémonie religieuse de commémoration, a emporté violation de l’article 9 de la Convention

4. Le 21 novembre 2011, les requêtes ont été communiquées au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. M. İhsan Güler et M. Sinan Uğur sont nés respectivement en 1964 et en 1947 et résident respectivement à Ankara et à İzmir.

6. À l’époque des faits, ils étaient des membres actifs et les dirigeants régionaux du Parti pour une société démocratique (Demokratik Toplum Partisi (DTP)) qui a été par la suite dissous par la Cour constitutionnelle. Le requérant M. Güler, ancien maire du district de Başkale (Van), était à l’époque des faits président d’une association nommée KÜRT-DER (Kürt Demokrasi Kültür ve Dayanışma Derneği – association pour la culture, la démocratie et la solidarité kurdes).

7. Le 21 août 2006, les requérants participèrent à une cérémonie religieuse (mevlût)[1] dans les locaux du DTP à Altındağ (Ankara) en mémoire de trois membres du PKK tués par les forces de l’ordre.

8. Les participants procédèrent à la lecture de passages du Coran et de prières et projetèrent un film vidéo retraçant la vie des défunts. Le représentant régional du DTP prononça un bref discours, qui peut se traduire en ces termes :

« Nos craintes et nos inquiétudes perdurent. Il continue à y avoir des morts. Dans un tel contexte, nous aimerions que ce mevlût soit un moment de paix et de fraternité. »

9. Le 3 octobre 2006, le parquet de Muş reçut une lettre anonyme de dénonciation, accompagnée d’un CD contenant un enregistrement de la cérémonie en cause. Le dénonciateur précisait que la cérémonie avait été célébrée en mémoire « des martyrs du PKK » à laquelle il aurait lui-même participé, ce qu’il aurait ensuite regretté.

10. À la suite de l’enquête menée par le parquet, le requérant M. Güler fut arrêté et placé en garde à vue le 28 décembre 2006. Il fut relâché le lendemain.

11. Les deux requérants furent ensuite traduits devant la cour d’assises d’Ankara. Devant cette juridiction, ils plaidèrent qu’ils avaient participé à la cérémonie pour remplir leurs obligations religieuses.

12. Par un jugement rendu le 24 septembre 2008, la cour d’assises d’Ankara, se fondant sur l’article 7 § 2 de la loi no 3713 relative à la lutte contre le terrorisme, condamna les deux requérants à une peine de dix mois d’emprisonnement.

13. Dans son jugement, la cour d’assises considérait en premier lieu que les personnes en mémoire desquelles la cérémonie avait été organisée étaient membres d’une organisation terroriste et qu’elles avaient été tuées par les forces de sécurité lors d’actions menées dans le cadre de cette organisation. Elle estimait en outre que le choix du lieu pour la cérémonie – à savoir les locaux d’un parti politique –, le fait que le drapeau du PKK avait été étendu sur les tables et que les photos des membres de l’organisation y avaient été posées étaient autant d’éléments suscitant de sérieux doutes quant aux motifs réels du rassemblement avancés par la défense des requérants.

14. À la suite d’un pourvoi introduit par les requérants, le jugement fut confirmé par un arrêt définitif rendu par la Cour de cassation le 8 mars 2010. Les requérants furent placés en détention afin de purger leur peine.

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

15. La première phrase de l’article 7 § 2 de la loi no 3713 relative à la lutte contre le terrorisme, tel qu’il était en vigueur à l’époque des faits, est libellée comme suit :

« Quiconque fait de la propagande en faveur d’une organisation terroriste sera condamné à une peine d’emprisonnement d’un an à cinq ans. (...) »

16. La première phrase de l’article 7 § 2 de la nouvelle loi no 3713 relative à la lutte contre le terrorisme, entrée en vigueur le 30 avril 2013, énonce :

« Quiconque fait de la propagande en faveur d’une organisation terroriste en légitimant ou en faisant l’apologie des méthodes de contrainte, de violence ou de menace de pareilles organisations ou incite à l’utilisation de telles méthodes sera condamné à une peine d’emprisonnement d’un an à cinq ans. (...) »

III. LE DROIT INTERNATIONAL PERTINENT

17. La partie pertinente des Lignes directrices visant l’examen des lois affectant la religion ou les convictions religieuses adoptées par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (« Commission de Venise ») lors de sa 59e session plénière des 18 et 19 juin 2004 se lit ainsi :

« B. Sécurité nationale/terrorisme

Si les lois relatives à la sécurité nationale et au terrorisme religieux sont souvent parfaitement légitimes, encore faut-il qu’elles ne soient pas invoquées pour s’en prendre à des organisations religieuses ne se livrant objectivement à aucune activité criminelle ou violente. Les lois antiterroristes ne devraient pas servir de prétexte à restreindre les activités religieuses légitimes. »

18. Dans le paragraphe 4 de l’Observation générale no 22 adoptée par le Comité des droits de l’homme des Nations unies lors de sa 48ème session les 12 et 30 juillet 1993, on peut lire ce qui suit :

« La liberté de manifester une religion ou une conviction peut être exercée individuellement ou en commun, tant en public qu’en privé. La liberté de manifester sa religion ou sa conviction par le culte, l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement englobe des actes très variés. Le concept de rite comprend les actes rituels et cérémoniels exprimant directement une conviction, ainsi que différentes pratiques propres à ces actes, y compris la construction de lieux de culte, l’emploi de formules et d’objets rituels, la présentation de symboles et l’observation des jours de fête et des jours de repos. L’accomplissement des rites et la pratique de la religion ou de la conviction peuvent comprendre non seulement des actes cérémoniels, mais aussi des coutumes telles que l’observation de prescriptions alimentaires, le port de vêtements ou de couvre-chefs distinctifs, la participation à des rites associés à certaines étapes de la vie et l’utilisation d’une langue particulière communément parlée par un groupe. En outre, la pratique et l’enseignement de la religion ou de la conviction comprennent les actes indispensables aux groupes religieux pour mener leurs activités essentielles, tels que la liberté de choisir leurs responsables religieux, leurs prêtres et leurs enseignants, celle de fonder des séminaires ou des écoles religieuses, et celle de préparer et de distribuer des textes ou des publications de caractère religieux. »

19. Dans le préambule de la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme signée à Varsovie le 16 mai 2005, on peut lire ce qui suit :

« (...)

Reconnaissant que la présente Convention ne porte pas atteinte aux principes établis concernant la liberté d’expression et la liberté d’association.

(...) »

20. L’article 1 de la Convention pour la prévention du terrorisme est libellé comme suit :

« Article 1 – Terminologie

Aux fins de la présente Convention, on entend par « infraction terroriste » l’une quelconque des infractions entrant dans le champ d’application et telles que définies dans l’un des traités énumérés en annexe.

(...) »

21. L’article 2 de cette même convention est libellé comme suit :

« Article 2 – Objectif

Le but de la présente Convention est d’améliorer les efforts des Parties dans la prévention du terrorisme et de ses effets négatifs sur la pleine jouissance des droits de l’homme et notamment du droit à la vie, à la fois par des mesures à prendre au niveau national et dans le cadre de la coopération internationale, en tenant compte des traités ou des accords bilatéraux et multilatéraux existants, applicables entre les Parties. »

22. L’article 5 de cette convention se lit ainsi :

« Article 5 – Provocation publique à commettre une infraction terroriste

1. Aux fins de la présente Convention, on entend par « provocation publique à commettre une infraction terroriste » la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition du public d’un message, avec l’intention d’inciter à la commission d’une infraction terroriste, lorsqu’un tel comportement, qu’il préconise directement ou non la commission d’infractions terroristes, crée un danger qu’une ou plusieurs de ces infractions puissent être commises.

2. Chaque Partie adopte les mesures qui s’avèrent nécessaires pour ériger en infraction pénale, conformément à son droit interne, la provocation publique à commettre une infraction terroriste telle que définie au paragraphe 1, lorsqu’elle est commise illégalement et intentionnellement. »

23. L’article 12 de cette convention est libellé comme suit :

« Article 12 – Conditions et sauvegardes

1. Chaque Partie doit s’assurer que l’établissement, la mise en œuvre et l’application de l’incrimination visée aux articles 5 à 7 et 9 de la présente Convention soient réalisés en respectant les obligations relatives aux droits de l’homme lui incombant, notamment la liberté d’expression, la liberté d’association et la liberté de religion, telles qu’établies dans la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et d’autres obligations découlant du droit international, lorsqu’ils lui sont applicables.

2. L’établissement, la mise en œuvre et l’application de l’incrimination visée aux articles 5 à 7 et 9 de la présente Convention devraient en outre être subordonnés au principe de proportionnalité eu égard aux buts légitimes poursuivis et à leur nécessité dans une société démocratique, et devraient exclure toute forme d’arbitraire, de traitement discriminatoire ou raciste. »

24. Aux termes du Rapport explicatif de la Convention pour la prévention du terrorisme, l’article 5 de cette convention définit, dans son paragraphe 1, la provocation publique à commettre une infraction terroriste comme « la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition du public d’un message, avec intention d’inciter à la commission d’une infraction terroriste, lorsqu’un tel comportement, qu’il préconise directement ou non la commission d’infractions terroristes, crée un danger qu’une ou plusieurs de ces infractions puissent être commises. » Lorsqu’il a rédigé cette disposition, le comité d’experts sur le terrorisme a tenu compte des avis de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (Avis 255(2005), §§ 3.vii et suivants) et du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe (document BcommDH (2005) 1, § 30 in fine), qui ont suggéré que cette disposition couvrît la dissémination de messages faisant l’apologie de l’auteur d’un attentat et dénigrant les victimes, et l’appel à financer des organisations terroristes ou d’autres comportements similaires, susceptibles de constituer des actes d’incitation indirecte à la violence terroriste.

EN DROIT

I. JONCTION DES REQUÊTES

25. Compte tenu de la similitude des requêtes quant aux faits et à la question de fond qu’elles posent, la Cour décide de les joindre et de les examiner conjointement dans un seul et même arrêt.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

26. Invoquant les articles 7, 9 et 11 de la Convention, les requérants allèguent que leur condamnation était fondée sur leur participation à une cérémonie religieuse qui aurait consisté en une simple manifestation publique de leur pratique religieuse. Ils estiment en outre que leur condamnation n’était pas suffisamment prévisible au vu du libellé de l’article 7 § 2 de la loi no 3713 qui aurait été appliqué à leur encontre.

La Cour constate que la situation litigieuse concerne des questions susceptibles d’être examinées sous l’angle de différentes dispositions de la Convention y compris celles invoquées par les requérants. Eu égard cependant à la formulation et au contenu des griefs des requérants, elle estime que la principale question que pose la présente affaire tient à la condamnation de ces derniers pour avoir participé à une cérémonie religieuse. Dans ces circonstances, la Cour considère qu’il convient d’examiner ces griefs uniquement sous l’angle de l’article 9 de la Convention. Cette disposition se lit comme suit :

« 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

27. Le Gouvernement combat la thèse des requérants.

A. Sur la recevabilité

28. Le Gouvernement soutient que l’article 9 de la Convention n’est pas applicable en l’espèce. Selon lui, le choix des locaux d’un parti politique pour le déroulement d’une cérémonie organisée à la suite du décès de membres d’une organisation terroriste et la décision d’arborer dans ces locaux des symboles de ladite organisation montraient bien que les participants poursuivaient un but politique et non pas religieux.

29. Les requérants réitèrent leurs allégations.

30. La Cour constate que la question relative à l’applicabilité de l’article 9 de la Convention concerne plus particulièrement l’existence d’une ingérence dans le droit à la liberté de religion des requérants. Elle joint donc l’examen de cette exception à l’examen sur le fond de l’affaire.

31. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Thèses des parties

32. Le Gouvernement indique qu’en l’espèce les requérants ont été condamnés pour avoir fait de la propagande en faveur d’une organisation terroriste et non pas pour avoir manifesté leur croyance. Il soutient que l’ingérence dont se plaindraient les requérants était raisonnable dès lors qu’elle avait, selon lui, pour but de prévenir les troubles ou le crime.

33. Les requérants repoussent les thèses du Gouvernement et réitèrent leurs allégations.

2. Appréciation de la Cour

34. La Cour rappelle que, telle que la protège l’article 9, la liberté de pensée, de conscience et de religion représente l’une des assises d’une « société démocratique » au sens de la Convention. Cette liberté figure, dans sa dimension religieuse, parmi les éléments les plus essentiels de l’identité des croyants et de leur conception de la vie, mais elle est aussi un bien précieux pour les athées, les agnostiques, les sceptiques ou les indifférents. Il y va du pluralisme – chèrement conquis au cours des siècles – qui ne saurait être dissocié de pareille société. Cette liberté implique, notamment, celle d’adhérer ou non à une religion et celle de la pratiquer ou de ne pas la pratiquer (voir, entre autres, Buscarini et autres c. Saint-Marin [GC], no 24645/94, § 34, CEDH 1999‑I).

35. La Cour rappelle ensuite que, si la liberté de religion relève d’abord du for intérieur, elle implique également celle de manifester sa religion individuellement et en privé, ou de manière collective, en public et dans le cercle de ceux dont on partage la foi. En d’autres termes, individuellement ou collectivement, en public comme en privé, chacun peut manifester ses convictions. L’article 9 énumère diverses formes que peut prendre la manifestation d’une religion ou d’une conviction, à savoir le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites (voir, mutatis mutandis, Cha’are Shalom Ve Tsedek c. France [GC], no 27417/95, § 73, CEDH 2000‑VII).

36. L’article 9 ne protège toutefois pas n’importe quel acte motivé ou inspiré par une religion ou conviction et ne garantit pas toujours le droit de se comporter dans le domaine public d’une manière dictée ou inspirée par sa religion ou ses convictions (voir, parmi plusieurs autres, S.A.S. c. France [GC], no 43835/11, § 125, 1er juillet 2014).

37. Dès lors, la Cour doit rechercher s’il y a eu ingérence dans le droit des requérants au titre de l’article 9 et, dans l’affirmative, si cette ingérence était « prévue par la loi », poursuivait un but légitime et « était nécessaire dans une société démocratique » au sens de l’article 9 § 2 de la Convention.

a) Sur l’existence d’une ingérence

38. La Cour note qu’en l’espèce les requérants ont été condamnés pour propagande en faveur d’une organisation terroriste en raison de leur participation à une cérémonie religieuse (mevlût) organisée dans les locaux d’un parti politique en mémoire de trois personnes, membres d’une organisation illégale, qui ont été tuées par les forces de l’ordre.

39. Elle relève que le Gouvernement dénonce la justification qui a été donnée par les requérants à la cérémonie litigieuse (paragraphes 28 et 32 ci‑dessus). Selon lui, le choix de l’organiser à la suite du décès de membres d’une organisation terroriste dans les locaux d’un parti politique où étaient également présents des symboles de cette organisation montre que les participants, dont les requérants, poursuivaient non pas un but religieux, mais un but politique de propagande en faveur d’une organisation terroriste.

40. La Cour observe tout d’abord qu’il n’est pas contesté par les parties que le mevlût est un rite religieux couramment pratiqué par les musulmans en Turquie.

41. Elle note ensuite que, selon l’Observation générale no 22 adoptée par le Comité des droits de l’homme des Nations unies (paragraphe 18 ci‑dessus), la liberté de manifester sa religion ou sa conviction par le culte, l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement englobe des actes divers. Ainsi, la notion de rite comprend aussi des rituels et des cérémonies exprimant la conviction des personnes, dont des cérémonies consécutives à des décès. Pour la Cour, il importe peu à cet égard que les personnes décédées soient ou non membres d’une organisation illégale.

42. Le seul fait que la cérémonie en question a été organisée dans les locaux d’un parti politique dans lesquels des symboles d’une organisation terroriste étaient présents ne prive pas les participants de la protection garantie par l’article 9 de la Convention.

43. Pour la Cour, la condamnation des requérants à une peine d’emprisonnement, en application de l’article 7 § 2 de la loi no 3713, s’analyse en une ingérence dans le droit des intéressés à la liberté de manifester leur religion.

44. Pareille ingérence est contraire à l’article 9, sauf si elle est « prévue par la loi », vise un ou plusieurs des buts légitimes cités au paragraphe 2 de l’article 10 et est « nécessaire dans une société démocratique » pour atteindre ces buts. La Cour examinera d’abord si l’ingérence en cause est « prévue par la loi ».

b) « Prévue par la loi »

45. La Cour note, que selon le Gouvernement, l’ingérence en cause en l’espèce est fondée sur l’article 7 § 2 de la loi no 3713.

46. Elle note ensuite que, pour les requérants, l’article 7 § 2 de la loi no 3713, tel qu’il aurait été appliqué à leur encontre, n’était pas suffisamment prévisible en tant que disposition pénale et n’avait dès lors pas la qualité de loi.

47. Les mots « prévue par la loi » veulent d’abord que la mesure incriminée ait une base en droit interne, mais ils ont trait aussi à la qualité de la loi en cause : ils exigent l’accessibilité de celle-ci à la personne concernée, qui de surcroît doit pouvoir en prévoir les conséquences pour elle, et sa compatibilité avec la prééminence du droit. Cette expression implique donc notamment que la législation interne doit user de termes assez clairs pour indiquer à tous de manière suffisante en quelles circonstances et sous quelles conditions elle habilite la puissance publique à recourir à des mesures affectant leurs droits protégés par la Convention (Fernández Martínez c. Espagne [GC], no 56030/07, § 117, CEDH 2014 (extraits)).

48. Pour répondre à ces exigences, le droit interne doit offrir une certaine protection contre des atteintes arbitraires de la puissance publique aux droits garantis par la Convention. Lorsqu’il s’agit de questions touchant aux droits fondamentaux, la loi irait à l’encontre de la prééminence du droit, qui constitue l’un des principes de base de toute société démocratique consacrés par la Convention, si le pouvoir d’appréciation accordé ne connaissait pas de limites. En conséquence, elle doit définir l’étendue et les modalités d’exercice d’un tel pouvoir avec une netteté suffisante (voir, parmi beaucoup d’autres, Sanoma Uitgevers B.V. c. Pays-Bas [GC], no 38224/03, § 82, 14 septembre 2010).

49. En l’espèce, la Cour observe qu’il ne prête pas à controverse que la condamnation des requérants trouvait sa base légale dans l’article 7 § 2 de la loi no 3713. Selon cet article, « [q]uiconque fait de la propagande en faveur d’une organisation terroriste sera condamné à une peine d’emprisonnement d’un an à cinq ans ».

50. La Cour rappelle que la condition de « prévisibilité » se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la clause pertinente et, au besoin, à l’aide de l’interprétation qui en est donnée par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité (voir, mutatis mutandis, S.W. c. Royaume-Uni, 22 novembre 1995, § 35, série A no 335‑B).

51. Revenant à la présente affaire, la Cour note que les requérants ont été reconnus coupables de propagande en faveur d’une organisation terroriste. Pour ce faire, les juridictions nationales ont invoqué le fait que les personnes en mémoire desquelles la cérémonie litigieuse avait été organisée appartenaient à une organisation terroriste et qu’elles avaient été tuées lors d’actions menées dans le cadre de cette organisation. Elles ont de plus intégré dans leurs motifs de condamnation le fait que le lieu choisi pour le déroulement de la cérémonie était les locaux d’un parti politique dans lesquels les symboles de l’organisation terroriste en question étaient présents.

52. À cet égard, la Cour rappelle avoir déjà dit que le terme de propagande est souvent compris comme la diffusion délibérée d’informations à sens unique exerçant une influence sur la perception publique des événements, des personnes ou des enjeux. Le fait que les informations sont à sens unique n’est pas per se une raison pour limiter les libertés. Une restriction peut être prévue notamment pour empêcher l’endoctrinement terroriste des personnes et/ou des groupes susceptibles d’être influencés, endoctrinement qui a pour but de les faire agir et penser de la manière voulue. Ainsi, la Cour admet que certaines formes d’identification à une organisation terroriste et surtout l’apologie d’une telle organisation peuvent être considérées comme la manifestation d’un soutien du terrorisme et une incitation à la violence et la haine. De même, la Cour admet que la diffusion de messages faisant l’éloge de l’auteur d’un attentat, le dénigrement de victimes d’un attentat, l’appel à financer des organisations terroristes ou d’autres comportements similaires peuvent constituer des actes d’incitation à la violence terroriste (Yavuz et Yaylalı c. Turquie, no 12606/11, § 51, 17 décembre 2013).

53. Par ailleurs, la Cour souligne l’importance des lignes directrices visant l’examen des lois affectant la religion ou les convictions religieuses, qui ont été adoptées par la Commission de Venise et selon lesquelles les lois antiterroristes ne devraient pas servir de prétexte à restreindre les activités religieuses légitimes (paragraphe 17 ci‑dessus).

54. La Cour ajoute que l’incrimination d’un agissement requiert l’accomplissement, par l’auteur de l’infraction reprochée, d’un agissement susceptible de se manifester extérieurement.

55. En l’espèce, elle relève qu’il ne ressort ni du raisonnement des tribunaux nationaux ni des observations du Gouvernement que les requérants eussent eu un rôle dans le choix du lieu de la cérémonie litigieuse ou bien qu’ils eussent été responsables de la présence des symboles d’une organisation illégale dans les locaux où la cérémonie en question s’est déroulée. Elle relève ensuite que l’acte pénal pour lequel les requérants ont été condamnés était leur participation à ladite cérémonie, organisée à la suite du décès des personnes membres d’une organisation illégale. Eu égard au libellé de l’article 7 § 2 de la loi susmentionnée et à la manière dont la cour d’assises d’Ankara et la Cour de cassation ont interprété cette disposition pour condamner les requérants du chef de propagande, la Cour estime que l’ingérence dans la liberté de religion des requérants n’était pas « prévue par la loi », en ce qu’elle ne répondait pas aux exigences de précision et de prévisibilité étant donné qu’il n’était pas possible de prévoir que la simple participation à une cérémonie religieuse pourrait tomber sous l’application de l’article 7 § 2 de la loi relative à la lutte contre le terrorisme.

56. Eu égard à ces constats, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de poursuivre l’examen des griefs des requérants pour rechercher si l’ingérence visait un « but légitime » et était « nécessaire dans une société démocratique ». Pareil examen ne s’impose que si le but de l’ingérence est clairement défini par le droit interne.

57. Partant, il y a lieu de rejeter l’exception du Gouvernement tirée de l’applicabilité de l’article 9 de la Convention et de constater qu’il y a eu violation de cet article.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 14 DE LA CONVENTION COMBINÉ AVEC LES ARTICLES 9 ET 11 DE LA CONVENTION

58. Les requérants dénoncent en outre une violation de l’article 14 de la Convention combiné avec les articles 9 et 11, affirmant avoir fait, de par leur condamnation, l’objet d’une discrimination qui aurait été fondée sur leur origine ethnique kurde et sur leurs opinions politiques.

59. Eu égard à ses conclusions sur le terrain de l’article 9 de la Convention, la Cour considère qu’il n’y a pas lieu d’examiner séparément ni la recevabilité ni le fond le grief tiré de l’article 14 de la Convention.

IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

60. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

61. M. İhsan Güler et M. Sinan Uğur réclament respectivement 80 000 euros (EUR) et 40 000 EUR pour préjudice matériel. Ils réclament en outre 30 000 EUR chacun pour préjudice moral.

62. Le Gouvernement conteste ces montants.

63. La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer 7 500 EUR à chacun des requérants pour dommage moral.

B. Frais et dépens

64. Les requérants demandent également 10 000 EUR pour les frais et dépens qu’ils disent avoir engagés devant les juridictions internes et devant la Cour. À titre de justificatif, ils fournissent le tarif horaire des avocats établi par le barreau.

65. Le Gouvernement conteste ces prétentions.

66. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, la Cour relève que le requérant ne fournit pas de justificatifs des honoraires de son avocat. Elle observe de surcroît qu’il ne soumet aucun document concernant les frais encourus devant les juridictions internes ou devant la Cour. À cet égard, la Cour note que le tarif horaire des avocats établi par le barreau n’étaye pas la demande du requérant. Compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens.

C. Intérêts moratoires

67. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

1. Décide, à l’unanimité, de joindre les requêtes ;

2. Joint, à la majorité, au fond l’exception du Gouvernement en ce qui concerne l’applicabilité de l’article 9 de la Convention et la rejette ;

3. Déclare, à l’unanimité, les requêtes recevables quant au grief tiré de l’article 9 de la Convention ;

4. Dit, par cinq voix contre deux, qu’il y a eu violation de l’article 9 de la Convention ;

5. Dit, à l’unanimité, qu’il n’y a pas lieu d’examiner ni la recevabilité ni le fond du grief tiré de l’article 14 de la Convention combiné avec les articles 9 et 11 de la Convention ;

6. Dit, à l’unanimité,

a) que l’État défendeur doit verser à chacun des requérants, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, la somme de 7 500 EUR (sept mille cinq cents euros), à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

7. Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 2 décembre 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Abel Campos Guido Raimondi Greffier adjoint Président

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée des juges Sajó et Keller.

G.R.A. A.C.

OPINION EN PARTIE DISSIDENTE COMMUNE AUX JUGES SAJÓ ET KELLER

1. Nous partageons entièrement la position de la majorité selon laquelle il y a eu en l’espèce violation de la Convention du fait que la condamnation des requérants n’était pas suffisamment prévisible, eu égard au libellé de l’article 7 § 2 de la loi no 3713 et à la manière dont la cour d’assises d’Ankara et la Cour de cassation ont interprété cette disposition (paragraphe 55 de l’arrêt). C’est pour cette raison que nous avons voté au point 6 du dispositif de l’arrêt en faveur de l’octroi d’une satisfaction équitable aux requérants. Cependant, nous estimons que la Cour aurait dû examiner les griefs des requérants – en premier lieu – sous l’angle de l’article 11 de la Convention et non pas, comme elle l’a fait, sous l’angle de l’article 9.

2. Eu égard à la formulation et au contenu des griefs des requérants, la Cour a décidé de les examiner uniquement sous l’angle de l’article 9 de la Convention (paragraphe 26 de l’arrêt). Pour la Cour, la condamnation des requérants à une peine d’emprisonnement, en application de l’article 7 § 2 de la loi no 3713, s’analyse en une ingérence dans le droit des intéressés à la liberté de manifester leur religion (paragraphe 43 de l’arrêt).

3. Lorsque, comme en l’espèce, l’article 9 de la Convention est invoqué conjointement avec l’article 11, la Cour procède souvent à l’examen sous l’angle de la seconde disposition uniquement. Ainsi, dans la plupart de ces affaires, la Cour a estimé que les faits invoqués par l’intéressé relevaient plus particulièrement du champ d’application de l’article 11 et elle n’a donc examiné les griefs que sous l’angle de cette disposition (voir, par exemple, Chassagnou et autres c. France [GC], nos 25088/94, 28331/95 et 28443/95, § 125, CEDH 1999-III, Sidiropoulos et autres c. Grèce, 10 juillet 1998, § 52, Recueil des arrêts et décisions 1998‑IV ; pour une exception, voir Hassan et Tchaouch c. Bulgarie [GC], no 30985/96, § 65, CEDH 2000‑XI). Dans l’affaire Refah Partisi (Parti de la prospérité) et autres c. Turquie ([GC], nos 41340/98, 41342/98, 41343/98 et 41344/98, 13 février 2003, § 137, CEDH 2003‑II), par exemple, la Grande Chambre a analysé la dissolution d’un parti politique en Turquie sous l’angle de l’article 11, et elle a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner séparément l’allégation relative à une violation des articles 9, 10, 14, 17 et 18 de la Convention car ces griefs portaient sur les mêmes faits que ceux considérés sur le terrain de l’article 11 (voir également Parti de la liberté et de la démocratie (ÖZDEP) c. Turquie [GC], no 23885/94, § 49, CEDH 1999‑VIII). Cette jurisprudence a été développée par l’ancienne Commission, qui a par exemple dit dans sa décision d’irrecevabilité dans l’affaire Milan Rai, Gill Allmond et « Negotiate Now » c. Royaume-Uni (no 25522/94, 6 avril 1995, Décisions et rapports 8I-B, p. 151) : « les problèmes de la liberté de pensée et de conviction et de la liberté d’expression ne peuvent pas en l’espèce être séparés de ceux de la liberté de réunion. La Commission estime par conséquent que l’article 11 prévaut comme lex specialis pour les réunions et tiendra compte, dans son examen au titre de cette disposition, des articles 9 et 10 pour l’interprétation de l’article 11 ». Nous ne voyons pas raison justifiant que la Cour ne suive pas cette même approche en l’espèce.

4. Il n’est pas contesté que le mevlût est un rite couramment pratiqué par les musulmans en Turquie et qu’il est ainsi, en soi, une forme de manifestation religieuse protégée par la liberté de religion garantie par l’article 9 (paragraphe 35 de l’arrêt ; voir, mutatis mutandis, Cha’are Shalom Ve Tsedek c. France [GC], no 27417/95, § 73, CEDH 2000‑VII).

5. Ce qui est contesté, en revanche, c’est le caractère général de la réunion litigieuse. À notre avis, celle-ci a clairement dépassé un cadre religieux. Comme le relève la majorité, la cérémonie n’a pas eu lieu dans une mosquée, mais elle a été organisée dans les locaux d’un parti politique (DTP) où l’on pouvait voir des symboles du PKK. La cérémonie était consacrée à des membres du PKK tués par les forces de l’ordre. Il ne ressort par ailleurs pas du dossier si un imam ou hoca normalement présent durant cette cérémonie a ou non assisté au mevlût. Alors que l’on ne connait pas le nombre exact de personnes présentes durant le mevlût, le procureur de la République a engagé une procédure pénale contre dix-sept personnes, dont les requérants. Qui plus est, la dimension politique de la réunion ressort également du discours suivant, prononcé par le représentant régional du DTP lors du mevlût :

« Nos craintes et nos inquiétudes perdurent. Il continue à y avoir des morts. Dans un tel contexte, nous aimerions que ce mevlût soit un moment de paix et de fraternité. »

Enfin, peu après leur condamnation, à savoir le 11 décembre 2009, la Cour constitutionnelle a prononcé la dissolution du parti politique DTP auquel les requérants appartenaient.

6. Il convient de rappeler que le Gouvernement, tenant compte des circonstances ayant entouré la cérémonie, a estimé que les requérants poursuivaient non pas un but religieux, mais un but politique (paragraphe 39 de l’arrêt). Par analogie avec la prudence dont la Cour fait preuve quant à la question de savoir si un ensemble de convictions et les pratiques associées peuvent ou non être considérés comme une « religion » au sens de l’article 9 de la Convention, nous estimons qu’en l’espèce la Cour doit également s’en remettre à l’appréciation des autorités internes en la matière et décider sur cette base s’il convient d’examiner les griefs sous l’angle de l’article 9 (Kimlya et autres c. Russie, nos 76836/01 et 32782/03, § 79, CEDH 2009).

7. Quand une réunion revêt un caractère « mixte » comme en l’espèce, il est souvent difficile de distinguer entre les buts politiques, d’une part, et les buts religieux, d’autre part. Il existe aussi un risque que cet amalgame soit délibéré pour permettre à ceux qui le recherchent de se prévaloir d’une manière abusive d’un droit fondamental.

8. Il s’ensuit que, compte tenu du contexte politique de la cérémonie et eu égard à l’appréciation de la situation par les autorités nationales, nous sommes d’avis que l’affaire se prêtait mieux à un examen sous l’angle de l’article 11 de la Convention uniquement.

9. Cela étant, sous l’angle de l’article 11 tout comme sous celui de l’article 9, entre autres, toute ingérence doit être « prévue par la loi » (paragraphe 2 de cette disposition). La réunion à laquelle les requérants ont assisté était de nature pacifique, et elle n’a pas eu la moindre répercussion extérieure. Nous nous rallions donc à la position de la majorité concernant l’article 7 § 2 de la loi no 3713 selon laquelle il n’était pas possible de prévoir que la simple participation à la réunion litigieuse pourrait être qualifiée de propagande et relever de l’application de l’article 7 § 2 de la loi relative à la lutte contre le terrorisme (paragraphe 55 de l’arrêt ; voir également Yavuz et Yaylalı c Turquie, no 12606/11, 17 décembre 2013).

10. Pour ces raisons, nous estimons qu’il y a eu en l’espèce violation de l’article 11 de la Convention. En revanche, nous considérons qu’il n’était pas nécessaire de procéder à un examen de l’affaire sous l’angle de l’article 9 de la Convention.

[1]. Le mevlût est un rite religieux commun pratiqué par les musulmans en Turquie. Il consiste principalement en lecture de poésie concernant la naissance du Prophète.