Eva M. Synek, Dieses Gesetz ist gut, heilig, es zwingt nicht...

Zum Gesetzesbegriff der Apostolischen Konstitutionen. Wien, Plöchl, coll. " Kirche und Recht ", n° 21, 1997, xiii et 129 p

 

Hinweis: Diese Rezension übernehmen wir mit freundlicher Genehmigung aus der Revue de droit canonique (Strasbourg).

 

L'ouvrage n'est pas épais, moins de 150 p., mais il est dense. Non seulement par sa typographie, ses 360 notes en bas de page et ses indications bibliographiques, mais surtout par son contenu. Madame Synek, Directrice de recherches (Institut für Kirchenrecht, Université de Vienne), examine les anciens règlements ecclésiastiques à la lumière des traditions bibliques et ouvre, par cet éclairage, de nouvelles pistes pour leur interprétation. Elle a mené son étude à partir des Constitutions apostoliques, compilation qu'elle présente dans son premier chapitre et dont elle extrait le titre de son livre : " Cette Loi est bonne, sainte, elle ne contraint pas¼  " (VI, 20, 2, propos repris à la Didascalie ). Un tel éloge rappelle à quel point la piété d'Israël trouvait dans la Loi les raisons de son action de grâces et l'expression de la relation aimante et liturgique du Peuple à son Dieu.

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Cette théologie et cette spiritualité de la Loi allaient-elles disparaître subitement et définitivement de l'horizon du nouveau Peuple de Dieu ? Que cet éloge ait été repris d'un règlement ecclésiastique à l'autre, jusqu'à la fin du ive siècle, manifeste évidemment que cette tradition, loin de s'être perdue, s'est, au contraire, maintenue et développée. C'est là que réside l'intérêt majeur de ce livre : l'A. a mis en évidence la continuité de cette tradition théologique, depuis l'AT jusqu'à l'époque patristique, et attiré l'attention sur la transformation christologique et ecclésiale de cette réalité fondamentale de l'Alliance, la Loi de Dieu, devenue Évangile et dont la communication est le lieu du salut. Cette continuité a été assurée par la didascalie, qui est l'actualisation de la Loi dans le cadre des synaxes chrétiennes (p. 77-78, voir n. 297). Sous cet aspect également, l'étude de Mme Synek ouvre de nouvelle perspectives, en mettant en évidence, dans les règlements ecclésiastiques, cette pratique de la didascalie, qui est comme un Talmud chrétien, un commentaire de la Loi.

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Parmi les multiples apports de cette étude, on signalera ici plus particulièrement ceux qui concernent les Constitutions apostoliques et la compréhension chrétienne de la Loi. Mme Synek a procédé à une analyse systématique du vocabulaire législatif des Constitutions apostoliques, ce qui lui a permis d'apporter d'utiles précisions pour la compréhension des mots Nomos (correspondant à Torah), desmoi, kanon, et bien d'autres encore. De cet examen minutieux, elle a pu dégager la théologie de la Loi mise en œuvre dans la tradition des règlements ecclésiastiques. Guidée par cette compréhension globale, elle a pu apporter quelques corrections et améliorations à la traduction que j'avais publiée dans la collection Sources chrétiennes 320, 329 et 336. À la p. 38 je ferai cependant une réserve sur l'interprétation des parallèles entre les listes sacerdotales de l'Ancien Testament et celles des Constitutions apostoliques. En effet, on ne peut conclure que le compilateur ramène tous les ministères chrétiens à des prototypes de l'Ancien Testament. Un telle entreprise était matériellement impossible, puisque les ministères dans les Églises sont plus nombreux et variés que ceux du Temple de Jérusalem. De fait, le compilateur a regroupé l'ensemble des services, à partir du diacre, pour les comparer globalement aux lévites. D'ailleurs, il n'y a qu'un seul endroit des Constitutions apostoliques où la comparaison soit poussée aussi loin, à savoir en II, 26, 3, à propos de la répartition des offrandes, mais le compilateur n'exploite la comparaison que sous cet aspect limité.

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Quant à la compréhension chrétienne de la Loi, l'A. a pu reconstituer celle mise en œuvre dans les recueils de règlements ecclésiastiques. Il s'agit d'une tradition remontant au Christ et aux Apôtres et qui a conduit les Églises des quatre premiers siècles à reconnaître la Loi comme une expression de Dieu, révélée dans sa plénitude par l'Incarnation. Toutes les lois sont ainsi rapportées à Dieu et à son législateur, le Christ, non seulement la Torah, la nouvelle Loi du christianisme et la loi naturelle, mais aussi le droit romain (p. 63). Poursuivant l'examen des continuités entre la littérature biblique et les traditions chrétiennes antiques, l'A. met en évidence la permanence des formes d'expression de type législatif, en particulier le genre narratif (p. 81), et reconsidère, dans ce contexte, le genre littéraire des règlements ecclésiastiques (p. 12-20, 77-84).

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Ce petit volume est l'heureux résultat de la féconde interdisciplinarité pratiquée par son auteur, qui a su mettre à profit les méthodes et les acquis de l'exégèse biblique, du droit civil, du droit canonique, de la patristique et de l'histoire du droit et des institutions. Cette étude a été menée avec une grande rigueur et une vaste compétence, comme en témoigne l'importante bibliographie, en particulier celle insérée dans les notes. Elle constitue un apport précieux pour l'étude et le renouveau du droit canonique. En effet, si pendant trop de siècles, en Occident, on a majoré la dépendance du droit de l'Église par rapport aux codifications civiles, comme en témoigne le plan du code de 1917, l'étude de Mme Synek invite à retrouver l'origine biblique de la législation ecclésiastique, la Torah revue par le Christ, le législateur divin fait homme, la nouvelle Loi reçue et transmise par les apôtres.

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Marcel Metzger