Jean Imbert, Les Temps carolingiens (741-891)

L'Église: la vie des fidèles. Paris, Éd. Cujas, 1996, in-8° , 271 p. (" Histoire du droit et des institutions de l'Église en Occident ", dir. G. Le Bras (†) et J. Gaudemet, t. V, 2)

 

Hinweis: Diese Rezension übernehmen wir mit freundlicher Genehmigung aus der Revue de droit canonique (Strasbourg).

 

En 1994, Jean Imbert, membre de l'Institut, publiait le premier volume d'une étude consacrée au droit et aux institutions de l'Église à l'époque carolingienne ; cette étude fait partie de la grande collection, inaugurée en 1955 par Gabriel Le Bras (†) et continuée depuis 1970 par Jean Gaudemet. Nous avons dit tout l'intérêt que présentait le travail pour l'histoire du droit canonique et aussi les difficultés que comportait la mise au point d'une telle étude (voir RDC, 55, 1995, p. 175-177). Le second volume, qui n'a pas tardé à paraître, répond à l'attente du lecteur ; il ne cède en rien à la précédente tranche de la publication par la richesse et la variété de l'information.

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Le premier volume traitait essentiellement des problèmes relatifs à l'organisation de l'Église et aux relations de l'Église avec le pouvoir civil. Dans le présent volume, l'auteur s'efforce de donner un tableau de la vie religieuse à l'époque ; à cette fin, il s'intéresse à l'influence de l'Église sur les individus et la famille, à son impact en ce qui concerne la foi, la pratique cultuelle, la morale individuelle et sociale. On imagine la difficulté de la tâche ; la vie religieuse ne se lit pas dans les textes. Il faut en deviner la trame à travers tous les moyens d'information disponibles : sources juridiques proprement dites (canons conciliaires, capitulaires de Charlemagne, actes pontificaux, actes épiscopaux) ; collections canoniques (collections anciennes et de l'époque carolingienne, pénitentiels, œuvres des faussaires) ; sources narratives (récits contemporains, correspondances, traités). Toutes ces sources ont été exploitées de manière judicieuse ; souvent le canoniste a dû se faire sociologue.

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De cette riche récolte, amassée à la suite d'une patiente et minutieuse recherche, nous devons nous contenter de signaler les principaux éléments qui ont été traités. L'auteur a réparti la matière en trois parties. Dans la première partie, intitulée : l'Église et la famille, il examine successivement les conditions préalables à l'entrée dans l'état matrimonial (liberté que restreignent les liens religieux, sociaux et charnels, l'affinité et le rapt) ; les diverses étapes de la formation du mariage (fiançailles, rites nuptiaux, consentement) ; le " démariage ", qui désigne la situation, peu précise encore juridiquement, résultant de la séparation des époux aux temps carolingiens (privilège paulin, impuissance, abandon et répudiation) ; la compétence judiciaire de l'Église et, finalement, l'état conjugal (la procréation, la fidélité et l'indissolubilité avec les obligations qui en résultent). La seconde partie est consacrée à la manière dont doit se manifester l'expression de la foi dans la vie quotidienne des fidèles. C'est en effet tout au long de la période carolingienne que se précisent les éléments de la foi ; la théologie carolingienne annonce la théologie médiévale. Aussi les différents aspects étudiés sont les suivants : le contenu de la foi ; les pratiques cultuelles (lieux et temps du culte, règles canoniques de la liturgie) ; les moyens du salut (pénitence publique, privée, tarifée et les œuvres de charité) ; le dernier passage (onction des mourants, funérailles et sépulture, prières pour les défunts). Dans la troisième et dernière partie, l'auteur donne des indications fort intéressantes sur l'insertion des fidèles chrétiens dans l'environnement social, notamment sur la façon dont ils ont essayé de concilier les traditions laïques du milieu avec les préceptes divins. C'est ainsi qu'il envisage, tour à tour, la lutte contre les égarements personnels (la tempérance dans le boire et le manger, la morale sexuelle, les divertissements, les sortilèges et la sorcellerie) ; l'Église face aux problèmes économiques (les richesses de l'Église, l'ampleur du temporel ecclésiastique et sa gestion ; l'Église et le commerce ; l'usure) ; la morale civique (atteinte à la personne et aux biens d'autrui ; l'Église et la guerre ; le respect des serments).

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Cette simple énumération, à laquelle nous avons dû nous résigner, montre l'importance qui revient à la période carolingienne dans la formation du droit canonique : un apport considérable tant par le rappel de la discipline ancienne que par les innovations qu'elle a suscitées. C'est dire que le droit canonique occidental a franchi une étape fondamentale entre 741 et 891. Jean Imbert a le mérite d'en avoir relevé tous les aspects dans les deux volumes qu'il a consacrés à cette période difficile pour l'histoire du droit canonique.

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René Metz