Albert Gauthier, Le Droit romain et son apport à l'édification du droit canonique

Ottawa, Université Saint-Paul, Faculté de droit canonique, 1996, viii-174 p. [isbn 0-919261-40-x] ; publié aussi en anglais : Roman Law and its contribution to the development of Canon Law [isbn 0-919261-41-8]

 

Hinweis: Diese Rezension übernehmen wir mit freundlicher Genehmigung aus der Revue de droit canonique (Strasbourg).

 

Sous sa belle reliure de toile, cet ouvrage se présente comme un manuel d'initiation au droit romain à l'usage des étudiants en droit canonique, à l'image des Institutes de Gaius ou de Justinien, " instruments pédagogiques excellents pour la formation de futurs juristes ". Legista sine canonibus parum valet, canonista sine legibus nihil : le légiste sans connaissance des canons vaut peu, le canoniste ignorant des lois civiles ne vaut rien, disait un aphorisme célèbre rappelé par l'auteur.

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A. Gauthier, o.p., ancien doyen de la faculté de droit canonique de l'Angelicum à Rome, aujourd'hui professeur à l'université Saint-Paul d'Ottawa, est un guide parfaitement compétent. L'itinéraire qu'il propose prétend moins à présenter le droit romain lui-même (l'essentiel y est cependant) que ses apports au droit canonique. Après un rappel des sources, il aborde successivement les personnes, les biens, les obligations, les actes et la procédure. Le code de droit canonique de 1917 suivait ce même plan, inspiré du droit civil romain. Le code de 1983 en a changé : on pense généralement que c'est par souci théologique (l'Église peuple de Dieu, les tria munera...) ; selon l'auteur, c'est pour montrer que le droit canonique relève moins du droit civil (c'est-à-dire privé) que du droit public. Pour le reste, il souligne que le code actuel reste imprégné de droit romain (définition du mariage, introduction du dol comme chef de nullité, etc.).

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De nombreuses discussions récentes sont présentées. Par exemple, la conception consensuelle du mariage (consensus facit matrimonium) est-elle d'origine patristique ou romaine ? Pour les uns (Albertario), ce sont Augustin et Ambroise qui ont influencé le droit de Justinien ; pour les autres (Orestano, Gaudemet), c'est le droit romain qui a servi d'argument aux Pères. A. Gauthier penche, comme la majorité des auteurs, pour la seconde hypothèse. Quant à la théorie contractuelle (le mariage défini comme un contrat), elle est d'origine médiévale, mais pas d'abord canonique : les légistes du xiie siècle l'auraient inventée, suivis par les théologiens (Pierre Lombard, vers 1150), et ensuite seulement par les canonistes et les papes (Innocent III, au début du xiiie siècle).

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Cinq gros appendices terminent le livre : un tableau comparatif des titres des Décrétales de Grégoire IX et du Corpus iuris civilis, une traduction (précieuse !) et un bref commentaire des Regulae iuris du Sexte et des Décrétales de Grégoire IX, une liste des sources de droit romain du code oriental de 1990, enfin une table générale des sources juridiques citées.

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On n'exprimera qu'un seul regret : la version française est émaillée d'innombrables fautes, parfois cinq ou six par page. On s'étonne aussi de ne pas trouver cités certains travaux classiques (ceux d'Adam Vétulani, par exemple). Signalons d'ailleurs que, curieusement, la bibliographie n'est pas la même dans les versions française et anglaise. Sans doute est-ce par souci pédagogique. Bref, il s'agit d'un manuel clair et pratique, à l'usage des étudiants, mais aussi de tous ceux pour qui le droit romain est un peu lointain.

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Jean Werckmeister