Alphonse Borras, Les Communautés paroissiales. Droit canonique et perspectives pastorales

Paris, Éd. du Cerf, 1996, 342 p

 

Hinweis: Diese Rezension übernehmen wir mit freundlicher Genehmigung aus der Revue de droit canonique (Strasbourg).

 

C'est l'auteur lui-même qui, dans une brève introduction, indique la méthode utilisée dans la rédaction de l'ouvrage et décide de quelle manière on doit lire son œuvre : comme il s'agit d'un commentaire du CIC/1983, il ne faut pas lire l'ouvrage tout à la suite, mais plutôt le consulter de manière ponctuelle, à partir des questions que le lecteur se pose (p. 28).

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Le lecteur attentif s'apercevra qu'il a affaire à un commentaire sui generis, dans la mesure où celui-ci ne suit pas canon après canon le texte du code et ne se limite pas à en expliquer les contenus et les conséquences. C'est un commentaire, comme l'auteur le précise, critique (c'est-à-dire scientifique et systématique) et pastoral (c'est-à-dire théologique et prophétique).

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L'auteur précise en effet combien lui tient à cœur non seulement la paroisse telle qu'elle est aujourd'hui, mais aussi la paroisse telle qu'elle sera demain, en tenant compte des deux phénomènes qui caractérisent le futur de la communauté paroissiale : d'un côté la pénurie de prêtres, de l'autre la responsabilité croissante des croyants laïcs.

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Les points charnières du livre (qui se divise en trois parties) sont respectivement le can. 515 § 1 qui définit la paroisse canonique et le can. 519 qui définit le curé de paroisse : à ces deux canons correspondent la première et la seconde partie. La troisième partie est liée à des questions qui concernent aussi bien la paroisse que son curé.

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Du point de vue systématique, chaque partie est précédée d'une introduction spécifique suivie de trois chapitres. À la fin, une conclusion générale résume les données et les perspectives. Le livre est agrémenté d'une soigneuse sélection bibliographique (à laquelle il manque peut-être une contribution plus complète du domaine germanophone, particulièrement significative pour les deux phénomènes caractéristiques auxquels l'auteur fait référence, cela également parce que c'est dans le domaine germanophone que la responsabilité des laïcs est plus institutionnalisée, grâce aux disponibilités économiques), et des index opportuns, qui rendent aisée l'utilisation du commentaire.

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La première partie examine donc la paroisse sur le plan canonique, en tant que communauté déterminée de fidèles, partie du diocèse et personne juridique publique.

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La seconde partie examine la figure du curé de paroisse, compétences, droits et devoirs. En particulier (ch. VI) on analyse " les autres possibilités d'attribution de l'office pastoral ".

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Dans la troisième partie enfin, on présente la vie paroissiale dans ses aspects synergétiques : les différents ministères à l'intérieur de la paroisse, les conseils pastoraux, les rapports avec les autres circonscriptions diocésaines, avec les autres associations ou mouvements ecclésiaux. Finalement, on y prend en considération de manière particulière l'assemblée dominicale sans prêtre.

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Maintenant que nous avons présenté l'œuvre dans son ensemble, nous voudrions relever, parce qu'ils contiennent beaucoup de nouvelles problématiques, les trois points peut-être les plus actuels : la pénurie de prêtres, la responsabilité des laïcs, les assemblées dominicales sans prêtre. Ils représentent des exceptions au principe d'univocité soutenu par le droit canonique, " une paroisse, un curé " par analogie au principe " un diocèse, un évêque ". On pourrait observer que le principe de l'univocité n'a pas toujours été en vigueur, comme on peut le voir dans un passage du droit canonique classique tiré de la Summa de Simon de Bisignano sur le Décret de Gratien dans lequel on affirme explicitement qu'un seul pontifex (évêque, curé) peut avoir deux ou plusieurs églises propres et non seulement reçue en commende, même si cela peut se produire seulement grâce à une dispense du pape et non par le droit commun (C. 16 q. 1 c. 48 : " Vsque proprium pontificem. Hinc collige unum posse duas uel plures habere ecclesias, etiam ut proprias, non ut commendatas. Hoc non de communi iure, sed de speciali priuilegio sumi pontificis, ut infra C.xxi.qi.c.ult. " MS London Royal fol. 58rb).

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Étant donné que ces points constituent une exception, l'interprétation des canons qui les disciplinent sera effectuée au sens du can. 18, c'est-à-dire au sens strict. L'auteur, peut-être aussi pour contester une pratique toujours plus répandue dans certaines églises locales qui considèrent désormais comme normale la situation décrite par le can. 517 § 2, répète en effet qu'il s'agit de contingences historiques, pour la raison que la règle formulée par le concile de Trente (à une paroisse correspond un et un seul prêtre) aurait un caractère constitutionnel qu'il faudrait garder.

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La pénurie de prêtres (bien que contingente et considérée de façon différente) porterait à la forme de responsabilité in solidum, selon laquelle une ou plusieurs paroisses seraient confiées in solidum à plusieurs prêtres, l'un d'eux assumant le rôle de moderator devant l'évêque et par rapport à l'équipe entière.

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La célébration dominicale en l'absence de prêtre est liée à la pénurie de ministres sacrés, mais il s'agit, dans ce cas également, d'une situation exceptionnelle, qui pourrait être surmontée quand la pénurie aurait cessé.

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La troisième exception, qui concerne le gouvernement de la paroisse confié à un non-prêtre, qu'il soit clerc (donc diacre) ou religieux (religieuse) ou laïc - ici aussi sans distinction de sexe -, se présente dans quelques églises locales, en particulier dans le milieu germanophone, surtout en Suisse.

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La position de l'auteur sur cette situation exceptionnelle est claire et précise : elle ne peut et ne doit pas devenir une situation normale. Elle peut être permise de manière transitoire et selon conditions spécifiques et dans la mesure du possible restrictives, mais le principe selon lequel le curé doit être revêtu de l'ordre sacerdotal est répété et interprété selon les dispositions du droit actuel.

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Bien que le droit canonique ait connu, au cours de l'histoire, des cas où des titulaires de paroisse n'étaient pas prêtres, pour le droit actuel qui s'est consolidé à partir du Concile de Trente, la nécessité que les offices ecclésiastiques avec cura animarum soient confiés à des prêtres est un principe certain. L'exception dont on parle prévoit en effet qu'au moins formellement, la responsabilité de la paroisse retombe sur un prêtre. Si l'office de direction de la paroisse (en allemand Gemeindeleiter ou Gemeindeleiterin) peut être confié dans des cas exceptionnels à des non-prêtres, le curé en titre, même pour une paroisse dirigée de fait par un non-prêtre, doit être selon le droit un prêtre.

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Nous partageons cette interprétation rigoureuse et restrictive de l'auteur, du moins sur le plan théorique. En pratique, sur le plan de la vie ecclésiale et de la réception du droit, la situation apparaît quelque fois différente, comme on peut le voir par ce qui suit.

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Dans quelques paroisses du diocèse de Bâle, la direction de la paroisse est confiée à des laïcs (souvent à un groupe, sous la responsabilité de l'un d'eux) tandis que le responsable formel au sens du can. 517 § 2 est d'habitude le doyen, qui est lui-même curé de paroisse, ou doyen régional. Puisque le doyen a la responsabilité formelle de plusieurs paroisses, il ne peut être présent dans chacune, si bien que, dans ces paroisses, l'assemblée dominicale manque souvent de prêtre.

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À cause de la " concurrence " entre les paroisses qui célèbrent l'eucharistie dominicale avec le curé et les paroisses qui peuvent seulement célébrer la liturgie de la parole pour la raison qu'elles n'ont pas de prêtre, et étant donné la préférence des fidèles pour la célébration eucharistique, les paroisses dirigées par des non-prêtres invitent un prêtre pour la célébration, souvent à la retraite, qui, appelé à apparaître quelques minutes " sur la scène " pour la consécration, laisse la place au groupe à qui la paroisse est confiée pour le reste de la célébration (présidence, homélie etc.).

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L'analyse ouverte mais prudente que fait l'auteur de telles situations, prévues par le droit canonique, mais susceptibles de modifier de manière substantielle la vision théologique et juridique spécifique de la paroisse et de la célébration des sacrements, est une invitation à choisir de manière explicite et non indirecte. Il ne faut pas se cacher derrière des situations de fait (par exemple la pénurie de prêtres). Au contraire, il est toujours plus nécessaire, également pour le droit, de tenir compte de la réflexion du Concile sur la vraie égalité des croyants en dignité et en action.

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Comme complément à la recension, il faudrait encore mentionner brièvement une question, plutôt terminologique à mon avis : existe-t-il une différence substantielle entre l'expression " personne juridique " et l'expression " personne morale " ? Le nouveau code aurait en effet introduit une distinction substantielle entre les deux expressions, en réservant la deuxième aux personnes non physiques qui trouveraient leur origine dans le droit divin, la première se référant aux personnes non physiques qui trouveraient leur origine dans le droit humain ou canonique.

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S'il est vrai que le code utilise les deux expressions, il faut rappeler que pour le code de 1917 aussi bien que pour la tradition canonique (mais aussi civile pour certains pays comme la France), les personnes non physiques étaient toujours et uniquement appelées " personnes morales ". L'expression " personne juridique ", propre au droit civil (surtout italien), était alors moins connue. L'utilisation, de la part du nouveau code, de l'expression " persona moralis " s'explique par la répétition ad litteram du can. 101 du code de 1917.

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Du reste, le code de 1917 soutenait l'attribution de la personnalité juridique de droit divin seulement à l'Église catholique et au Saint-Siège. Le code de 1983 aurait dû étendre cette attribution, selon la doctrine du Concile Vatican II, également au collège des évêques. J. Manzanares, dans le Commentaire au Code (can. 113) de l'Université de Salamanque, le soutient opportunément. Opinion que nous partageons et que nous avions déjà amplement soutenue dans notre mémoire de licence en jurisprudence " Profili giuridici della collegialità episcopale. Organi giuridici di struttura collegiale " près l'université de Turin en 1971.

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Manzanares soutient par ailleurs la distinction entre personne morale et personne juridique selon qu'il s'agit de personne non physique de droit divin ou de droit humain-ecclésiastique. Opinion que je ne partage pas. En général, selon l'avis des consulteurs pour la réforme du code, - pour cette expression, comme du reste pour les canons sur les actes juridiques, les suggestions de P. Ciprotti ont été déterminantes -, l'expression qu'il faut utiliser dans tous les cas dans lesquels il s'agirait de personnes non physiques devrait être celle de personne juridique. Personnellement, j'en conclus qu'il ne s'agit pas d'une distinction réelle, substantielle et nous ne pensons pas que le législateur ait voulu opérer une distinction entre les deux genres de personnes non physiques, cela aussi parce que l'applicabilité du concept de personne juridique ou morale au droit divin reste problématique. Comment ne pas se souvenir de l'importance à accorder à Innocent IV (Sinibaldo dei Fieschi) à propos de l'origine de la doctrine sur les personnes juridiques ou morales ?

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Pier Aimone