Sacrements, paroisse et communauté educative

Aspects pastoraux et canoniques

Comment articuler la proposition sacramentelle entre paroisse et communauté éducative?

Jean-Luc Hiebel

 

Table des matières

  1. Introduction
  2. 1. Ecouter les pratiques actuelles
    1. 1.1. L'école catholique est le lieu d'une communauté éducative Désormais le cadre scolaire offre le cadre ferme et durable d'une vie communautaire devenue parfois impossible autrement à certaines catégories de personnes en ville ou dans le monde rural
    2. 1.2. Les sacrements préparés et célébrés au sein de la communauté éducative correspondent à des étapes de la vie des jeunes
    3. 1.3. La célébration sacramentelle dans le cadre scolaire peut faciliter l'expression et la participation des jeunes en difficulté psychologique ou sociale
  3. 2. Comprendre les prescriptions du magistère et du droit
    1. 2.1. Prescriptions relatives à la paroisse
    2. 2.2. Prescriptions relatives aux sacrements
    3. 2.3. Prescriptions relatives à l'école
      1. 2.3.1. Dans le Code de droit canonique de 1983
      2. 2.3.2. Dans le Statut de l'enseignement catholique
      3. 2.3.3. Dans le texte d'orientation Voies pour un avenir. Convictions et orientations proposé par le Conseil National de l'Aumônerie de l'Enseignement Public et proclamé en novembre 1998
  4. Conclusion. Chercher des voies nouvelles
  5. Passer d'une pastorale "sacramentaliste" à une pratique chrétienne tout entière sacramentelle
  6. Mettre la communauté "hiérarchique" en synergie pastorale avec les communautés associatives et faire vivre le droit de l'Eglise
  7. Aller à la rencontre des jeunes et offrir un espace où peuvent se poser des gestes et se dire des paroles qui engagent

 

Introduction

Sacrement / proposition sacramentelle, paroisse et communauté éducative, comment s'articulent ces différentes polarités d'une réalité pastorale si diverse et si multiforme. Considérant plus attentivement ces trois pôles du point de vue du droit, il ne s'agit pas tant d'y chercher et d'y trouver des formules définitivement arrêtées susceptibles de nous rassurer à bon compte. Le droit est aussi une expression de la recherche ecclésiale de solutions pratiques et théologiquement cohérentes aux problèmes rencontrés dans l'annonce et la mise en oeuvre des promesses de l'Evangile du Christ. Il est déjà suggestif à cet égard que les trois pôles qui nous intéressent ici soient l'objet, chacun pour sa part, d'un Livre différent du Code de droit canonique. Le Livre II sur le Peuple de Dieu comprend un grand nombre de canons sur l'organisation interne des Eglises particulières (Titre III) et parmi ceux-ci, un chapitre sur les paroisses, les curés et les vicaires paroissiaux (Chapitre VI). La fonction d'enseignement de l'Eglise est traitée au Livre III qui consacre tout un chapitre à l'institution catéchétique (Chapitre II du Titre I sur le ministère de la Parole de Dieu) et son Titre III à l'éducation catholique où sont abordées les questions relatives à l'école. Et c'est finalement dans un troisième livre (Livre IV sur la fonction de sanctification de l'Eglise) que sont traitées les questions relatives aux sacrements en général et en particulier. Cela dit, les normes contenues dans ces trois livres ne forment pas des blocs séparés. Elles se renvoient les unes aux autres tissant une sorte de maillage du tissu ecclésial. Mieux encore, elles n'ont de sens que dans des applications transversales où les différentes facettes du droit s'éclairent mutuellement. Le droit lui-même prévoit les articulations entre les éléments en jeu dans la proposition sacramentelle en milieu scolaire.

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Sans refaire beaucoup d'histoire, on peut rappeler pour commencer un ouvrage de 1936 d'un prêtre, professeur de collège alsacien parfaitement bilingue, L. Pfleger, Die elsässische Pfarrei. Ihre Entstehung und Entwicklung. Ein Beitrag zur kirchlichen Recht- und Kulturgeschichte (La paroisse alsacienne. Origine et développement. Contribution à l'histoire ecclésiastique du droit et de la culture), édité à Strasbourg par la Gesellschaft für Elsässische Kirchengeschichte)(Société d'histoire de l'Alsace). Il s'agit d'une vaste fresque qui parcourt toute l'histoire de la région et s'efforce de montrer que l'histoire de l'Eglise n'est pas seulement celle des évêques comme l'avait traitée brillamment le très célèbre Abbé Grandidier. Ce qui frappe dans la lecture de cette petite somme d'histoire ecclésiastique locale, ce sont les angles sous lesquels est alors considérée la paroisse: de très longs développement sur la situation matérielle des prêtres, en particulier leurs revenus, en relation directe avec ceux de la paroisse dont ils sont chargés, un examen minutieux de l'organisation économique et financière des structures diocésaines, et - nous voilà déjà dans notre sujet - l'évocation au passage d'une potestas baptizandi (le pouvoir de baptiser) concédée par le pape Alexandre III à l'abbé Gundelach de Wissembourg en 1179. Tant dans les campagnes que dans les villes, la lutte pour la conquête ou la conservation des droits paroissiaux n'aura de cesse jusqu'à la Révolution. Mais déjà au XVème siècle, la paroisse tente de reprendre ce qu'elle avait dû concéder aux ordres et aux moines, les ordres mendiants p. ex. Selon notre auteur, pas de doute: l'église paroissiale se définit même par le fait qu'elle est le lieu exclusif des baptêmes, des enterrements et des sacrements en général. Les sacrements représentent ainsi des revenus tellement importants qu'on ne se résout pas à en céder les droits même lorsqu'on admet l'érection de nouvelles paroisses confiées à des prébendiers qui ne s'en sortiront que grâce à la 'portion congrue' introduite en Alsace lors du rattachement de l'Alsace à la France. Pfleger cite le cas de la paroisse de Kaltenhouse dont le prêtre n'a pas le droit de célébrer la messe les jours de fête, pas plus qu'il ne peut baptiser, entendre en confession ou célébrer un mariage, les droits afférents à tous ces sacrements restant l'apanage de la paroisse St Georges de Haguenau. Plus généralement, on est étonné de ne voir les sacrements évoqués que comme les vecteurs de certains de ces "droits" ou "privilèges" aux dimensions avant tout économiques. Imaginez: un tiers de l'ouvrage qui comporte quelques 400 pages consacré exclusivement aux structures financières de l'Eglise! Ceci pour d'emblée nous rassurer sur ce qui pourrait subsister de certains de nos atavismes cléricaux!

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En faisant un bond jusqu'aux institutions éducatives actuelles et jusqu'à la vie et aux questions des jeunes qu'elles rassemblent aujourd'hui, le fossé semble quasi insurmontable. On a bien le sentiment d'avoir changé d'univers. Le cadre traditionnel de la vie sacramentelle de l'Eglise tel que nous le lègue l'histoire ne correspond plus à la vie et aux attentes des hommes et des jeunes d'aujourd'hui. C'est ce qu'avaient compris la pape Jean XXIII et les Pères du Concile Vatican II. "Paroisse, sacrements, communauté éducative", la question autrement posée pourrait être formulée ainsi: comment célébrer avec des jeunes en formation? où convient-il de célébrer les sacrements? et de quel droit dispense-t-on les sacrements? Vous remarquerez qu'on hésite désormais à dire qu'on les "administre" même si c'est bien le terme employé par le canon 845 du Code de droit canonique qui rompt cependant définitivement avec le système des bénéfices: "En dehors des offrandes fixées par l'autorité compétente, le ministre ne demandera rien pour l'administration des sacrements...". Comme cela ressort bien du canon 840 du Code, les sacrements "sont des moyens par lesquels la foi s'exprime et se fortifie" dans la perspective d'un "culte rendu à Dieu... et (par lequel) se réalise la sanctification des hommes". Sans doute peut-on regretter ce vocabulaire de substantifs qui, malgré tout, chosifie encore trop cette part essentielle de notre vie chrétienne. Il reste qu'un premier rétablissement s'opère, dans l'esprit du Concile, qui réinscrit les sacrements dans la liturgie et dans la vie. Même le Directoire canonique et pastoral pour les actes administratifs des sacrements édité par le CNPL et Paroi-Services en 1994 et promulgué par Mgr Duval, alors Président de la Conférence des évêques de France pour 1995 utilise déjà un autre langage: "Ce Directoire se veut un recueil de règles pratiques concernant les actes administratifs qui précèdent, accompagnent ou suivent la réception des sacrements, et qui servent à établir l'état religieux de chaque personne dans l'Eglise...". Le Directoire renvoie ici aux canons 535 et 555 du Code de droit canonique avant de poursuivre: "A une époque de très grande mobiblité des personnes, il vise à unifier les formules d'état religieux en usage en France et à harmoniser les méthodes de travail" (p. 7). C'est dire que ces méthodes ne sont guère unifiées. C'est dire aussi que la mobilité des personnes devient une situation de plus en plus fréquente et préoccupante dans la gestion pastorale des demandes de sacrement. C'est dire enfin ce que le droit canonique peut apporter sur le sujet traité.

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1. Ecouter les pratiques actuelles

Un voyage dans la presse de l'enseignement catholique suffit à faire voir quelques aspects significatifs de la communauté éducative que propose l'école catholique et comment s'y intègrent diverses propositions sacramentelles. Un document pastoral du Secrétariat national de l'aumônerie de l'enseignement public inscrit la préparation et la célébration du baptême de jeunes scolaires dans le temps de leur vie de jeunes. Quelques courriers et supports de célébration d'un IME permettent de situer cet établissement particulier au croisement de la paroisse, de l'école et de la dimension sacramentelle de toute l'Eglise.

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1.1. L'école catholique est le lieu d'une communauté éducative Désormais le cadre scolaire offre le cadre ferme et durable d'une vie communautaire devenue parfois impossible autrement à certaines catégories de personnes en ville ou dans le monde rural

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La presse très diverse produite par l'enseignement catholique constitue un premier témoin de la dimension communautaire de l'enseignement catholique. La presse interne des établissements est évidemment le meilleur témoin de cette dimension. Pour prendre un exemple local assez proche, le Collège St Joseph des Frères de la Doctrine Chrétienne du Diocèse de Strasbourg à Matzenheim - certains ont en mémoire l'un des grands rassemblements diocésains de jeunes de l'automne dernier, la dimension communautaire est tout d'abord le fait d'une vie religieuse dans la spiritualité du Père Eugène Mertian auquel le Bulletin de liaison et d'information des anciens et parents d'élèves. L'Ancien de Matzenheim (annuel) consacre plusieurs numéros à l'occasion du Centenaire de sa mort en 1990. La communauté religieuse de ceux qui animent l'établissement et en sont d'une certaine façon le coeur, est donc la première figure de la communauté éducative que révèle le Bulletin. La vie de l'établissement est ainsi rythmée par la célébration des grandes fêtes du cycle liturgique: Noël, Pâques, Ascension, Pentecôte, mais aussi fête patronale de St Joseph, auxquels les Frères associent volontiers leurs élèves.

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La chronique mensuelle des activités du Collège révèle à quel point celui-ci est un véritable centre communautaire organisant ou hébergeant nombre de manifestations religieuses communautaires: parmi celles-ci, on ouligne ainsi au passage pour 1988-89, en octobre: un week-end des responsables et animateurs du MEJ (Mouvement eucharistique des jeunes), la messe de rentrée des élèves, la participation de 35 jeunes du collège à la rencontre avec le pape Jean-Paul II au Stade de la Meinau à Strasbourg (le collège accueillant pour la circonstance 120 jeunes venus d'autres villes en France et d'autres pays), la célébration du mariage d'un ancien, secrétaire général de l'Amicale des Anciens à la chapelle du collège; en décembre: un jeu scénique contribuant à la solennité de la célébration de l'Immaculée Conception, une Journée des parents suivie d'une veillée de Noël; en janvier: les obsèques d'un Frère à l'église paroissiale; en février: la réunion du Conseil pastoral de secteur; en mars: une opération 'témoignages' présentés aux groupes de profession de foi, la fête patronale de St Joseph et une célébration de réconciliation en préparation aux fêtes pascales. (Cf. "La vie au collège. Chronique brève, au fil des jours", in L'Ancien de Matzenheim, mai 1989, n° 171, p. 16). Chaque année apporte les mêmes échos, qui passent d'ailleurs sous silence tout le travail catéchétique accompli au sein de l'établissement.

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Le dernier calendrier publié pour les membres de la communauté éducative (pour 1998-1999) affiche la multiplication des messes de rentrée qui se diversifient suivant les niveaux scolaires (le 23 octobre :7èmes et 8èmes, le 25 octobre: 4èmes, puis 6èmes, le 30 octobre, 3èmes, le 1er novembre, 5èmes, parents et amis étant chaque fois invités). On voit ainsi se concrétiser le message adressé par Jean-Paul II à l'Ecole catholique le 16 avril 1989 et publié dans L'Ancien de Matzenheime d'octobre 1989: "Le témoignage convergent d'une communauté éducative et le climat de foi qui règne en elle constituent le service particulier que l'école catholique doit rendre à la formation chrétienne de la jeunesse." (p. 3)

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On remarque la diversité de formes de cette vie proprement liturgique. La chronique régulière des joies et des peines permet de constater que la chapelle accueille régulièrement la célébration de mariages: 1 en 1990, 2 en 1991, 1 en 1993,... 2 en 1997, etc. On notera que les autres mariages signalés sont très souvent célébrés dans le voisinage, ce qui signifie une autre forme de rayonnement du collège. "Joies et peines..." Lors du décès d'un Ancien ou d'un Bienfaiteur du Collège ou des Missions de la Congrégation (à Madagascar), une messe est célébrée dans la chapelle du collège. La vie du collège esst aussi marquée par les funérailles des Frères et des Pères qui s'y dévouent: dans la lettre de liaison de décembre 1998, "Frère Paul Klein, économe général de la Congrégation des Frères et économe du collège fêtera Noël dans la gloire du ciel.". A tout ceci qui n'est que ce qui a laissé une trace dans les publications du collège, il convient d'ajouter bien d'autres éléments de sacramentalité chrétienne, à commencer par ceux qui se nourissent de tel ou tel aspect de la vie du collège dans la vie chrétienne des jeunes ou des enseignants lorsque ceux-ci, individuellement ou collectivement, font une démarche pénitentielle, eucharitique ou autre dans d'autres contextes de leur vie que ce soit leur famille, une paroisse ou un mouvement.

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Au plan national, Famille et éducation a une visée qui déborde en général cette préoccupation du communautaire. On y relève cependant une rubrique Echos de la communauté éducative. Sous cette rubrique Echos de la communauté éducative, le numéro de septembre-octobre 1997 présente le chef d'établissement comme "un chef d'orchestre" de cette communauté éducative. Quatre témoignages se font l'écho de situations diverses où il s'agit de "transmettre le charisme du fondateur" (ici le P. Médaille, jésuite, fondateur de la Congrégation de St Joseph) pour Sr Catherine Fromager, responsable de tutelle de la Congrégation de St Joseph de Lyon, de jouer la concertation comme le souligne un Président d'APEL (Association de Parents de l'Enseignement Libre) du Cantal, de "déployer des trésors de diplomatie" pour une responsable nationale de syndicat d'établissement (SNEEL), bref, d'être "le premier des serviteurs" de toute une communauté qui partage la même vision de l'éducation (souligné par nous)" pour Didier Arnaud, lui-même directeur de collège et de lycée à Aurillac dans le Cantal (p. 78-79).

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Lorsque, dans le même numéro, l'APEL présente ses objectifs ("Accueillir, informer, animer"), la pastorale est naturellement évoquée: "Elle (l'APEL)... organise des fêtes, des rencontres ou des conférences. Elle participe au rapprochement Ecole-Entreprise. Elle est en lien avec les collectivités locales, les associations, la paroisse et la presse. Elle prend part à la pastorale, c. à d. à l'ensemble des activités qui permettent à la communauté de vivre et de communiquer sa foi." (Antoine de Fabrèques, "A quoi sert l'APEL?", id., p. 74 ). En plus du lien avec la paroisse ici mentionnée après les collectivités locales et les associations, on remarque la volonté d'être une communauté vivante qui communique sa foi.

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Le rapport à la paroisse pour des jeunes peut se vivre avec certaines libertés, surtout lorsqu'on est quelque peu dopé par le succès des JMJ (Journées Mondiales de la Jeunesse). La suggestion de l'évêque d'Evreux, Mgr David, a de quoi surprendre: "Si vous vous sentez mieux dans une autre paroisse, allez-y mais ne zappez pas. Cela peut être le programme de cette rentrée: faire le tour des messes près de chez vous pour trouver celle qui vous convient le mieux et plus largement la communauté de chrétiens qui peut vous aider dans votre foi." (Etienne Seguier, "L'après JMJ: les attentes des jeunes", in Extra JMJ: Famille et éducation, n° 410, nov. déc. 1997, p. 67) Il s'agit bien sûr, après les JMJ, de retrouver une célébration rythmée ou recueillie comme celle qui a été vécue au rassemblement. Le propos de l'évêque accrédite en tout cas le choix possible d'une communauté chrétienne scolaire.

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Famille et éducation rend compte également d'autres expériences déjà anciennes comme la première communion p. ex., même si celle-ci est loin d'être générale dans les établissements scolaires catholiques. Arrêtons-nous plus longuement à l'article de Marie-Christine Ray et Isabelle de Wazières, "La première communion, une fête religieuse et familiale" (in Famille et éducation, Avril / mai 1998, n° 413, p. 50-51). La préparation au sacrement de l'Eucharistie dans le cadre scolaire est d'abord présentée dans l'importance qu'elle revêt pour de jeunes élèves qui découvrent le message chrétien en CE1 et CE2 (Cours élémentaire 1ère année, Cours élémentaire 2ème année): "Le plus souvent, les enfants demandent à communier en CE2 ou en CM1 parce qu'ils ont fait dans leur groupe de catéchisme une expérience de prière et de vie de communauté." (p. 50). Ces demandes sont traitées par des démarches très concrètes dans une école conçue comme un lieu de vie. Ce sera p. ex. la directrice du primairede l'école de la Providence d'Amiens qui fait demander aux parents en janvier: "Souhaitez-vous que votre enfant prépare sa première communion?" L'article poursuit: "Certains répondent, d'autres pas..." "Ensuite, explique la directrice, ce sont les enfants eux-mêmes qui sont invités à écrire une lettre pour donner les raisons de leur choix." Mais on reste généralement soucieux d'inscrire ces démarches dans le cadre paroissial. Les 1ères communion ont lieu très souvent le jeudi saint ou au mois de mai, "de façon très simple, au cours de la messe paroissiale, pour signifier le lien des communiants avec la communauté des chrétiens." (p. 51).

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En même temps, les auteurs soulignent la diversité de cette demande actuelle des enfants et des familles. Se côtoient ainsi

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  • des enfants qui ne vont jamais à la messe: cela n'a guère de sens de les faire communier;

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  • des enfants dont les parents ne vont pas à la messe et qui s'arrangent pour y aller avec des amis ou des catéchistes

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  • et des enfants qui, tout à fait normalement, accompagnent leurs parents à la messe.

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La question se pose de gérer cette diversité qui, en réalité, est bien plus grande encore que ne le fait apparaître l'article évoqué. Car, à cet égard, il manque malheureusement une attention plus précise à d'autres déficits communautaires qui marquent très certainement les populations scolaires qu'accueillent aujourd'hui les établissements scolaires catholiques. Des changements sociologiques considérables, tant dans le monde rural que dans le monde urbain, défont en effet les relations humaines et le tissu social sur lesquels pouvaient s'établir il y a peu encore les liens communautaires nécesaires à une vie communautaire chrétienne digne de ce nom. C'est ce que laisse entendre ce premier paragraphe sur la communauté éducative dans l'écoute des réalités. Paradoxalement, on ne trouve plus dans la presse scolaire de ces dernières années, un écho très direct de ces problèmes qui fournissent pourtant un premier argument en faveur de la ligne pastorale de la communauté éducative.

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La revendication de cette ligne pastorale semble plus nuancée dans Enseignement Catholique Actualités où Pierre Daniel, Secrétaire général de l'EC (Enseignement Catholique), plaide régulièrement dans son éditorial "Cohérences" pour que la dimension religieuse ne s'enferme pas dans le seul domaine privé: "... il faut savoir dire que l'Eglise, par nous et par la mission qu'elle nous confie, doit avoir une parole publique à l'intérieur de nos écoles, dans le respect de tous." (in ECA. Enseignement Catholique Actualités, juin 1997, n° 220, p. 3). "...dans le respect de tous...": on retrouvera ces inflexions dans le texte des Statuts. La réflexion de l'éditorialiste est toujours prompte à montrer les ressorts communautaires du projet de l'enseignement catholique qui vise le "développement de la personnalité des jeunes" et a l'ambition de "favoriser la rencontre des personnes (souligné par nous) qui la composent..." (in ECA. Enseignement Catholique Actualités, 1998, n° 228, p. 3).

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Dans le numéro de juin 1997 déjà cité, l'article de Elisabeth du Clusel "Ecole catholique: lieu de mission d'Eglise" (in ECA. Enseignement Catholique Actualités, juin 1997, n° 220, p. 14-18), détaille les réalisations concrètes de cette mission d'Eglise tant dans le champ de l'action caritative (kilomètres de Soleil du Secours catholique, action de Carême, bol de riz et découverte d'un pays du Tiers-Monde) que celui de la liturgie (messes annuelles de Noël, Pâques ou fin d'année, célébrées par "le prêtre référent... de la paroisse dont dépend l'établissement", p. 17). L'article souligne ici le lien étroit entre l'établissement et la paroisse: "... "Il faut garder un lien permanent avec notre paroisse" insiste Nicole Battut, directrice depuis 26 ans de l'école Sainte-Geneviève, à La Garenne Colombes. "Nous travaillons en Eglise, c'est à dire que nous, école Sainte-Geneviève, appartenons à l'Eglise. L'Eglise ne doit pas être 'à part', en dehors. Les parents qui s'investissent dans l'établissement, participent à de nombreuses activités de la paroisse. Notre prêtre référent a un rôle actif dans l'école. Non seulement il participe aux réunions de catéchistes, mais aussi aux conseils d'établissement et, depuis un an, à la commission pastorale créée sous son impulsion. Là, on réfléchit sur toutes sortes de points concernant les célébrations bien sûr, mais également sur des faits concrets qui touchent de plus en plus d'établissements catholiques: l'accueil des enfants d'autres religions, par exemple."..." (p. 17) Ce prêtre a-t-il la possibilité, dans ces conditions, de différencier for interne et for externe dans l'exercice de ses responsabilités éducatives?

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1.2. Les sacrements préparés et célébrés au sein de la communauté éducative correspondent à des étapes de la vie des jeunes

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Après ces premiers éléments fournis par la presse catholique scolaire, voici maintenant un document produit par le Secrétariat national de l'aumônerie de l'enseignement public sur le baptême de jeunes scolaires: Des jeunes demandent le baptême. Avec eux, discerner, préparer, célébrer. Un guide à l'usage des animateurs. (Paris, SNAE, non daté, 1985?, Cahier n° 25). Le cahier a pour point de départ un fait nouveau dans l'expérience pastorale des aumôneries scolaires. René Marlé, ancien directeur de l'Institut Supérieur de Pastorale Catéchétique, le formule ainsi: "Le phénomène, pratiquement inconnu dans les générations précédentes, et de plus en plus fréquent aujourd'hui, de la demande de baptêmes en âge scolaire offre la chance de sortir ce sacrement de la banalité dans laquelle l'avait assez généralement laissé tomber son administration au sein de la société chrétienne." (p. 1) Le phénomène est observé dans les écoles catholiques, mais aussi dans des équipes de mouvement de jeunes et dans des groupes d'adolescents en paroisse. Il conduit les délégués des Equipes diocésaines d'Aumôneries de l'Enseignement Public et le Conseil National de l'A.E.P. à décider en novembre 1982 de produire ce document qui fait l'inventaire des expériences pastorales en cours sur ce sujet, analyse les résultats d'un questionnaire distribué dans les régions et surtout propose des repères théoriques et pratiques pour l'accompagnement de ces expériences.

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D'un point de vue institutionnel, on remarque d'emblée l'implication d'instances aussi différentes que le Catéchuménat des adultes, l'Institut supérieur de Pastorale catéchétique, le Centre National de Pastorale Liturgique et le Service Adolescence du Centre National de l'Enseignement Religieux. Le document comprend aussi la présentation de la préparation d'un baptême en école catholique à Cahors. Selon l'enquête qu'il rapporte, dans 12% des cas, les baptêmes ont eu lieu "dans un lieu d'aumônerie (chapelle du lycée, local)".

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Une première analyse de contenu fait apparaître l'absence quasi générale du terme de 'sacrement'. Soit on parle directement du baptême, soit on en décrit la préparation (Chapitre III) ou la célébration (IV). Même dans sa partie plus théorique, le document préfère parler de 'signe': "Quand l'Eglise fait signe." (p. 19) et cela, jusqu'au dernier paragraphe où, sous l'intertitre Faire parler les signes, on admet enfin "que les sacrements de la vie chrétienne s'enracinent dans l'épaisseur de la vie, de l'expérience des hommes" (p. 28).Tout au plus pose-t-on la question (comme repère): "Comment vérifions-nous que la vie de notre communauté est "sacramentelle" de relations évangélique?" (p. 20) où l'adjectif "sacramentelle" est curieusement transitivé. La pastorale du baptême de jeunes force la vérité du langage. Le terme de sacrement appartient à un système de pensée étranger aux jeunes. On ne trouve le terme que dans une relecture dont l'enquête se fait l'écho, p. 6, et où il est probablement "emprunté" comme dans le texte cité de Robert Riber, p. 30, ou dans le commentaire marginal du théologien: "sacrement du 'je' spirituel... sacrement des 'commencements'" (p. 9-10). On notera avec joie que cette observation (l'absence du terme "sacrement") s'applique aussi à la bibliograhie générale proposée au chapitre V. On ne théorise donc pas le baptême.

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Quant à la forme du document, on est frappé par le fonctionnement iconique de la présentation; Pour chaque étape de la préparation - il y en a douze: de la première "entrer dans la communauté" à la douzième "vous êtes la lumière du monde", le document propose sous quatre icônes différentes codant l'attention,

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1. un contenu théologique décrit comme "approche symbolique"

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2. un texte biblique avec des propositions de travail

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3. des textes profanes à utiliser au cours de célébrations

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4. ainsi que des propositions pédagogiques très pratiques pour la catéchèse.

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Ce sont naturellement ces dernières qui traduiront l'invention pastorale propre à une pastorale de jeunes dans ce catéchuménat juvénil. Pour entrer dans la communauté p. ex., il est ainsi proposé de "repérer dans le vocabulaire, le vêtement, la coiffure des jeunes, des signes de reconnaissance, d'appartenance au groupe; découvrir le langage de la "tribu" en faisant l'inventaire des différents mots employés pour désigner une même réalité, par exemple la peur ou la cigarette."

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On sera soucieux d'adapter ces exercices au niveau de l'élève: ici "plutôt des 4e-3e" (p. 31) car les sacrements préparés et célébrés au sein de la communauté éducative correspondent à des étapes de la vie des jeunes. Les propositions expriment souvent un rapport au temps. C'est dans une durée que le baptême de jeunes scolaires est préparé et célébré: 4 étapes sur une période qui peut durer deux ans, voire davantage: demande officielle ou accueil par l'Eglise de la demande du baptême, signation ou entrée en catéchuménat, rite pénitenciel ou reconnaissance de l'Amour, baptême, tout cela au fil de rencontres presque hebdomadaires! On souligne évidemment l'importance de ne pas accroître de tels délais qui sont déjà extraordinaires dans une vie de jeune: la deuxième année a été l'occasion d'un décrochage du groupe entourant Florent, un élève de 6ème préparant son baptême dans une école catholique à Cahors en 1978-79-80 (p.61). Déjà dans l'accueil des motivations du baptême et la recherche des causes profondes de la situation de certains qui le réclament pour eux-même ou pour leurs enfants, on remarque "un désir différé", c'est à dire que "ce sont les circonstances qui ont fait remettre la décision (du baptême) année après année." (p. 11).

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Plus positivement, le rapport au temps est manifeste dans la référence à l'étape de la vie que représente en elle-même l'adolescence. Tout de suite la question se pose: "comment accompagner un cheminement de jeune adolescent dans cette démarche de foi, à un âge où se rompt l'équilibre de l'enfance, où les premières questions se posent, où la contestation naît et renaît sans cesse, où enthousiasme et découragement se succèdent?" (p. 61) Une partie de la réponse est suggérée par la proposition pédagogique d'utiliser le montage A.C.N.A.V. (Association catéchétique nationale pour l'audiovisuel), Le Passage, où il est question du passage de l'adolescence que tous font ou sont appelés à faire. Expliquer ainsi la plongée dans l'eau va au delà de la simple illustration catéchétique. On touche peut-être ici à la limite de la catéchèse symbolique qui domine dans l'inspiration de la plaquette. Il est des passages clés dans la vie des jeunes qui effectivement parlent autant de leur baptême que toutes les images aquatiques accumulées ici. Une conviction clé est affirmée d'entrée de jeu au début du chapitre "Célébrer par étapes": "Quand on est baptisé, on n'est pas encore baptisé... Le passage progressif à la foi demande du temps..." (p. 71). J'ajouterais volontiers: "... et que soit pris en compte la recomposition de ce rapport décisif au temps que représente la crise de l'adolescence"! On se reportera ici à l'article de Marie-Christine Rey, "Réconciliation et pardon: l'attente des adolescents." dans la revue déjà citée: "A l'adolescence, la foi devient un acte plus personnel. La réconciliation peut être une occasion unique d'exercer sa liberté, sa responsabilité, et de se retourner vers l'amour de Dieu. S'ils participent à la catéchèse, à une aumônerie ou à un mouvement, la démarche de réconciliation est proposée aux jeunes collégiens et lycéens deux fois par an, en général avant Noël et Pâques." (Famille et éducation, février / mars 1998, p. 52).

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1.3. La célébration sacramentelle dans le cadre scolaire peut faciliter l'expression et la participation des jeunes en difficulté psychologique ou sociale

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Troisième arrêt sur image pour nous transporter à l'Institut médico-éducatif (IME) "Arc-en-ciel" de Sélestat. Il s'agit d'un établissement hospitalier municipal où une équipe de catéchistes propose une présence, une catéchèse hebdomadaire en très petits groupes de 4 à 5 enfants en difficulté psychologique ou sociale et des célébrations au Foyer Notre-Dame de la Paix. Les membres de l'équipe sont aidées et conseillées dans leur travail par la Direction, le Secrétariat de l'établissement et l'ensemble de l'équipe éducative. Il s'agit de femmes: une ancienne directrice d'école maternelle, une éducatrice et plusieurs mères de famille dont la maman d'un enfant handicapé.

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Les enfants viennent dans cet établissement de différents lieux et donc de différentes paroisses. Un premier enjeu d'une bonne articulation entre paroisse et communauté éducative réside ici dans la reconnaissance que des enfants touchés par une maladie grave ou un handicap sévère sont en droit d'attendre dans leur communauté d'origine: famille, quartier, etc. Il n'est pas indifférent pour leur vie sacramentelle qu'ils ne soient finalement que tolérés dans leur nouvelle paroisse. Là aussi se vérifie à quel point la dimension sacramentelle de la communauté paroissiale dépend d'une vie communautaire activement engagée dans des défis sociaux rarement choisis. Remarquons que cette reconnaissance s'inscrit dans des problèmes élémentaires de gestion et de partage de son temps et de son espace, l'acceptation p ex. que la célébration qui va rassembler les enfants se fasse le WE (samedi ou dimanche) où il y aurait plus de monde, plutôt que le vendredi. Quoi qu'il en soit, l'établissement est dans ce cas le dernier vecteur possible de socialisation des enfants et des adolescents handicapés.

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Le suivi dont ils sont l'objet à l'IME crée des liens qui vont compter dans leur expérience spirituelle. Le rôle que s'assignent les catéchistes est précisément de "poser sur (l'enfant handicapé) un regard de foi et de reconnaître en lui la présence de Dieu vivant" (Lettre aux parents du 17 juin 1977). Par l'attention, le respect et l'écoute "se crée une relation d'amitié qui va permettre à l'enfant d'accéder à la foi par le coeur et de pénétrer sans réticence dans le mystère sacré" (id.) Le mot est choisi comme en contrepoint de ces "sacrements" auxquels certains jugent superflu de les préparer. Lors de la réunion dont rend compte le courrier, on a vivement regretté les réticences de ceux qui ne croient pas aux possibilités d'une éducation religieuse de ces enfants handicapés. On sait que ce sera précisément la vocation particulière de nombreuses institutions, religieuses ou non, de refuser cette fatalité et de s'engager résolument dans la prise en compte des handicapés. Sait-on assez également que de cette prise en compte dépend la crédibilité des propositions sacramentelles d'une pastorale d'ensemble en crise aujourd'hui? On trouvera certains éléments d'une telle conscience dans la réflexion de Elisabeth du Closel il y a deux ans dans ECA: "L'intégration scolaire des enfants et des adolescents handicapés ou en grande difficulté" (in ECA, 1997, n° 223, p. 15-20).

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Avant d'en finir avec ce tour d'horizon forcément partiel et partial de quelques réalités à la jointure entre sacrements, paroisse et communauté éducative, recueillons l'insistance du texte liturgique proposé pour une célébration du pardon dans le cadre de l'IME: on relève que parmi les mots qui reviennent beaucoup avec des corrélats proches, il y a "maison", porte, nettoyer. On voit pointer ici la nécessité de trouver un langage sacramentel qui supporte la charge symbolique nécessaire à l'expression et à la compréhension du mystère par tous ses acteurs, et j'aimerais ajouter: quel que soit leur handicap! Il est heureux et notable à cet égard que l'évêque lui-même se déplace en personne pour la célébration de la confirmation, voire du baptême (baptême de Frankie en mai 1988). La communauté éducative prend alors une dimension proprement mystique: je cite le mot d'accueil de la célébration d'un baptême "Frankie, tous tes amis de l'IME sont là pour partager cette joie (que tu deviennes enfant de Dieu) avec tes parents et famille."

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2. Comprendre les prescriptions du magistère et du droit

Les normes du droit de l'Eglise sont nécessaires à l'exercice des fonctions de sanctification que Dieu lui a confiées. Placées comme des balises sur ce terrain d'atterrissage bien difficile que représente la pastorale diocésaine, elles ont elles-même besoin d'être éclairées pour être mieux comprises et pour évoluer. C'est l'objet bien modeste de la présentation de ces presciptions relatives, successivement, à la paroisse, aux sacrements et à l'école.

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2.1. Prescriptions relatives à la paroisse

Une première phrase significative d'un commentateur genevois du Code de droit canonique, Jean-Claude Périsset, un spécialiste du droit de la paroisse qui nous accompagnera tout au long de cette deuxième étape de réflexion, suffit à relativiser cette paroisse qui, dans notre imaginaire religieux, a pu être le rouage essentiel de la pastorale: "La paroisse n'est pas une institution essentielle dans l'Eglise comme constitutive de son être, à l'instar des ministres sacrés, ou des sacrements." (Jean-Claude Périsset, La paroisse. Commentaire des Canons 515-572, Paris, Tardy, 1989, p. 11). La raison d'être de la paroisse est l'exercice convenable de la charge pastorale de l'évêque avec la coopération du presbytérium (Cf. canons 374 § 1, 515 § 1, 519, 369). Reprenant les distinctions du Code, Périsset élargit d'emblée l'horizon communautaire de la paroisse aux autres communautés de fidèles que sont les séminaires et les institutions d'éducations p. ex.: "Il y a pourtant d'autres communautés stables de fidèles dans l'Eglise particulière, qui ne sont pas paroisses, telle que le séminaire, les maisons religieuses, les instituts d'éducation, le chapitre cathédral. Celles-ci sont des communautés dont le principe d'unité est lui-même spécifique: la formation, l'apostolat, la prière. Tandis que la communauté paroissiale territoriale ou personnelle, est la résultante de deux principes généraux: d'une part la population résidant sur un territoire, au besoin, pour les paroisses personnelles, caractérisées par son origine, sa langue, son occupation principale; d'autre part l'office du curé chargé de cette communauté." (p. 51-52) (Périsset se cite lui-même dans un ouvrage intitulé Curé et presbyterium paroissial)

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Selon Périsset, il faut reconnaître aujourd'hui comme éléments canoniques constitutifs de la paroisse:

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  • " la communauté des fidèles;

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  • l'office de curé en tant que pasteur propre. Le territoire n'est qu'un élément extrinsèque de détermination de la communauté des fidèles." (p. 13)

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En quoi consiste ce principe communautaire. Selon Périsset, "il faut un certain nombre de fidèles pour constituer une communauté paroissiale." (p. 30). Le Code reprend ici les convictions affirmées au Concile: Lumen Gentium, 28, § 2 p. ex. Périsset commente ainsi: "Le principe communautaire est déterminé existentiellement par la stabilité de sa réalisation concrète." Dans le projet de 1977 du c. 515 § 1, la paroisse est encore définie comme "portion déterminée du peuple de Dieu qui est constitué dans l'Eglise particulière.". Plusieurs consulteurs introduisent alors les termes de communauté (Cf. Communicationes, 13, 1981, p. 148.) On notera que c'est en s'intéressant au sort des étrangers que l'Eglise desserre enfin le carcan du principe territorial (Constitution apostolique Exsul familia du 1er août 1952 in AAS, 44, 1952, p. 649-704).

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La paroisse se définit avant tout par l'office du curé. C'est cet office qui constitue la communauté de fidèles en paroisse. En bon canoniste, Périsset éclaire ce principe en rappelant un décret de la Commission d'interprétation du Code de 1917, en date du 26 septembre 1921, affirmant "qu'il suffisait à l'évêque, pour ériger une paroisse, d'assigner un curé à un territoire précis, pour qu'il prenne soin des fidèles, avec une église correspondante. Il n'y avait pas besoin de décret formel à cet effet." (X. Ochoa, LE, vol. 1, n° 373, cité in Périsset, op. cit. p. 12). Contrairement au Code de 1917 qui donnait au territoire un rôle déterminant, le Code de 1983 déplace cette insistance vers la communauté des fidèles constituée de façon stable (C. 515, § 1). Cette élément de stabilité est à considérer avec une attention particulière dans le contexte de l'institution scolaire.

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La cura pastoralis peut être considérée sous deux faces complémentaires: comme sollicitude pastorale, où elle est tournée vers la communauté des fidèles, ou comme charge où elle regarde le curé comme ministre. Le fait que le c. 518 établisse une priorité du principe territorial indique a contrario la possibilité d'autres principes de constitution de paroisses "personnelles, déterminées en raison du rite, de la langue, de la nationalité des fidèles d'un certain territoire, et même pour une autre raison."

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Le c. 519 définit le curé comme "le pasteur propre de la paroisse qui lui a été confiée, accomplissant la charge pastorale de la communauté commise à ses soins sous l'autorité de l'évêque diocésain dont il a été appelé à partager le ministère du Christ..." (p. 49) Ce qui est confié au curé, c'est un office, c. à d. un service (et non plus un bénéfice comme en 1917). L'expression de "pasteur propre" est utilisée pour la première fois dans le décret Christus Dominus (30 § 1). Elle s'y applique à l'évêque naturellement, mais aussi aux curés qui sont les coopérateurs de l'évêque et elle marque l'unité, la collaboration dans ce service. (Cf. p. 51). Une première conséquence de cette définition est l'attribution d'un pasteur propre en fonction du domicile.

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Selon Périsset, "en fonction de la norme du canon 136, même s'il ne jouit pas d'un pouvoir de gouvernement ou de juridiction au sens strict, le curé exerce validement et licitement sa charge pastorale sur tous les paroissiens, même absents du territoire de la paroisse et sur tous les étrangers présents dans ce même territoire. Cela est dit explicitement pour le pouvoir de dispenser de la forme et de certains empêchements de mariage en cas de danger de mort (c. 1079 §2) ou même en cas urgent (c. 1080 §1)." (p. 51) C'est parmi ses droits et ses devoirs, qu'il faut ranger la charge qui lui échoit de "sanctifier la communauté paroissiale" (C. 528 § 2). "Il (le curé) s'emploiera à ce que les fidèles soient nourris par une célébration pieuse des sacrements...". (Cf. p. 122) Le n° 42 de la Constitution conciliaire sur la Liturgie voit même dans l'assemblée liturgique dominicale la raison d'être de la paroisse. Le canon 530 énonce enfin un ensemble de fonctions spécialement (souligné par nous; le c. 462 du Code de 1917 comportait l'expression "fonctions réservées") confiées au curé:

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"1° l'administration du baptême;
2° l'administration du sacrement de la confirmation à ceux qui sont en danger de mort...;
3° l'administration du Viatique et de l'onction des malades,... ainsi que l'octroi de la bénédiction apostolique;
4° l'assistance aux mariages et la bénédiction nuptiale;
5° la célébration des funérailles;
6° la bénédiction des fonts baptismaux au temps de Pâques, la conduite des processions en dehors de l'église, ainsi que les bénédictions solennelles en dehors de l'église;
7° la célébration eucharistique plus solennelle le dimanche et les joiurs de fête d'obligation."

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2.2. Prescriptions relatives aux sacrements

Une norme générale fondamentale relative aux sacrements dans le Code de droit canonique est le droit des fidèles à les recevoir. Le canon 213 stipule ainsi: "Les fidèles ont le droit de recevoir de la part des Pasteurs sacrés l'aide provenant des biens spirituels de l'Eglise, surtout de la parole de Dieu et des sacrements." Un commentaire du Code de J. Hervada explique cette disposition de la manière suivante: "Ce droit oblige à organiser l'administration des sacrements, de la prédication de la Parole et les moyens qui conduisent à la sainteté en accord avec les besoins des fidèles (souligné par nous)..." (Code de droit canonique. Commentaire de l'édition de Wilson & Lafleur, Montréal, rééd. 1990, p.145). Il s'agit donc, corrélativement, d'une obligation pour les pasteurs.

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De manière tout aussi générale, le Code de droit canonique de 1983 fournit un schéma qui structure la pratique sacramentelle pour chacun des sacrements:

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  • un canon introductif rappelant la foi de l'Eglise;

51

  • la célébration du sacrement, c. à dire de l'action du Christ et de l'Eglise;

52

  • le ministre du sacrement;

53

  • le sujet - on pourrrait dire le récipiendaire - du sacrement;

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  • les parrains le cas échéant;

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  • et enfin l'enregistrement administratif du sacrement et les preuves de sa réception.

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On a vu que les chapelles d'établissements catholiques accueillaient souvent la célébration de certains sacrements: eucharistie, réconciliation, mariage. Il semble que cela soit moins fréquent pour le baptême. Après avoir rappelé les normes de la célébration du baptême quant à la manière de procéder (c. 853 et 854), le Code fournit quelques indications sur les conditions de temps et de lieux de sa célébration. Il est recommandé ainsi de le célébrer le dimanche ou, mieux encore, au cours de la veillée pascale (c. 856). Le canon suivant (c. 857) dispose que "§ 1. En dehors du cas de nécessité, le lieu propre du baptême est une église ou un oratoire. § 2. En règle générale, l'adulte sera baptisé dans sa propre église et l'enfant dans celle de ses parents, à moins qu'une juste cause ne conseille autre chose." On constate donc une gradation dans les possibilités:

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  • n'importe où (c. à d. dans un endroit décent) en cas de nécessité;

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  • dans n'importe quelle église ou oratoire en règle générale;

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  • dans sa propre église (c. à d. l'église paroissiale) de préférence ("à moins qu'une juste cause ne conseille autre chose").

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Le droit canonique entend rester assez souple en la matière. Les canons 858 § 2 et 859 ouvrent la porte à cette possibilité de baptiser dans une autre église ou oratoire que son église paroissiale.: "§2. Après avoir entendu le curé du lieu, l'Ordinaire du lieu peut permettre ou ordonner, pour la commodité des fidèles, qu'il y ait aussi des fonts baptismaux dans une autre église ou oratoire situé dans les limites de la paroisse." puis au canon suivant: "Si à cause de la distance ou pour d'autres circonstances, la personne qui doit être baptisée ne peut se rendre ou être conduite sans grave inconvénient à l'église paroissiale ou à l'autre église ou oratoire dont il s'agit au canon 858 § 2, le baptême peut et doit être conféré dans une autre église ou oratoire plus proche, ou même en un autre endroit décent." Le canon 860 insiste pour qu'on évite absolument de baptiser dans les maisons privées ou dans les hôpitaux. On peut imaginer cependant un baptême dans la chapelle d'une école.

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Quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas ici de se forcer à une exégèse casuiste de ces textes canoniques dont l'esprit parfaitement clair est confirmé par l'introduction au Rite pour le baptême des enfants et dont la source authentique est la réponse de la Congrégation romaine pour la divine liturgie à une question du Cardinal A. Dell'Acqua, vicaire à Rome, en 1970 déjà: "La Congrégation apprécie hautement l'effort soutenu pour rétablir le sens de l'appartenance à une paroisse et l'esprit communautaire que souligne fortement le Rituel du Baptême. La paroisse doit toujours être considérée comme le centre de la vie spirituelle et sacramentelle, et la communauté paroissiale comme le cadre familial naturel de l'initiation aux sacrements, de la transmission de la foi et du développement de la personnalité chrétienne. Etant donné la situation de grandes villes et de Rome en particulier, il semblerait que d'un point de vue pastoral, les nouvelles dispositions pourraient n'être mises en oeuvre que très progressivement comme le suggère un jugement prudent..." (trad. par nous)(Congregation for Divine Worship, response, August 19, 1970, to Cardinal A. Dell'Acqua, vicar of Rome, in Notitiae, 7, 1971, p. 61-63, cité in William H. Woestman, O.M.I., Sacraments. Initiation, Penance, Anointing of the Sick. Commentary on Canons 840-1007, Ottawa, Faculty of Canon Law, Saint Paul University, 1992, p. 49-50) La question des lieux de la vie sacramentelle déborde finalement de loin les problèmes de sa localisation matérielle comme le montre Odette Sarda dans un article intitulé "Initiation des adultes. Les lieux de l'initiation" (in Célébrer. Le magazine de la liturgie et des sacrements édité par le CNPL, 1998, p. 47-48)

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La question de l'âge a de nombreuses incidences en droit canonique. Un grand nombre d'entre elles concernent les jeunes dont il faut reconnaître que le droit, contrairement à la pastorale, n'est guère préoccupé en général. Que ce soit pour le mariage ou la confirmation, le Code de droit canonique a laissé aux Conférences épiscopales le soin de préciser certaines normes. En ce qui concerne la confirmation p. ex, la CEF a laissé "à la décision de chaque évêque pour son diocèse, l'âge de la confirmation (qui) pourra se situer dans la période de l'adolescence, c'est à dire de 12 à 18 ans" (BO, n° 891, 28 janvier 1986, p. 450; DC, 86, 1989, p. 76). Le second livret de préparation du grand Jubilé de l'An 2000 (Documents Episcopat, "L'Esprit Saint dans la prière de l'Eglise. La confirmation", septembre 1997, n° 15) indique que c'est en octobre 1985 que l'Assemblée plénière de l'Episcopat français a pris cette décision conformément au canon 891, tout en rappelant "qu'il n'y a pas d'âge pour recevoir ce sacrement." (p. 19).

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2.3. Prescriptions relatives à l'école

2.3.1. Dans le Code de droit canonique de 1983

Le thème de l'éducation catholique est abordé dans les canons 793 à 821 du Livre III du Code de droit canonique (De Ecclesiae munere docendi). Dans ce cadre, les canons 796-806 traitent plus spécifiquement des écoles. Le changement de perspectives qu'on peut noter entre ces dispositions et celles du Code de 1917 trouve son fondement dans la Déclaration conciliaire Gravissimum educationis momentum qui est la source principale de ces canons autour des deux principes suivants: une réelle liberté de choix de l'école doit être garantie aux parents et toute école doit garantir la formation intégrale de la personne dans le respect du pluralisme. Tout en n'étant qu'un instrument destiné à aider les parents à remplir leur mission, l'école est cependant considérée comme l'un des outil les plus importants pour l'éducation et la formation.

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Une conception précise et extensive de l'éducation est formulée au canon 795: "L'éducation véritable doit avoir pour but la formation intégrale de la personne humaine, qui a en vue la fin dernière de celle-ci en même temps que le bien commun de la société. Les enfants et les jeunes seront donc formés de telle façon qu'ils puissent développer harmonieusement leurs dons physiques, moraux et intellectuels, qu'ils acquièrent un sens plus parfait de la responsabilité et un juste usage de la liberté, et qu'ils deviennent capables de participer activement à la vie sociale." On peut constater que le texte veut rester ouvert à toutes les demandes éducatives. L'éducation dont l'Eglise entend faire une promotion -disons - universelle, cette éducation est avant tout orientée vers des valeurs humaines: bien commun de la société, développement harmonieux des dons physiques, moraux et intellectuels des jeunes, sens de la responsabilité, de la vraie liberté et de la participation sociale. Il n'est pas directement question ici de vie spirituelle, communautaire ou sacramentelle.

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Dans le par. 2 du canon précédent, canon 794 § 2, il est plus étroitement question d'éducation catholique: "Les pasteurs d'âmes ont le devoir de prendre toutes dispositions pour que tous les fidèles bénéficient d'une éducation catholique." Cette éducation catholique comprend-elle la vie sacramentelle qui est l'une des formes de la vie communautaire que nous avons examinée jusqu'ici pour l'appliquer à l'école catholique? Le canon 803 § 1 précise ce qu'il convient de comprendre sous le terme d'école catholique. Le Code emprunte à d'autres documents du Magistère divers critères de cette caractérisation catholique. Le résultat est une définition très technique, en termes proprement juridiques: "On entend par école catholique celle que dirige l'autorité ecclésiastique compétente ou une personne juridique ecclésiastique publique, ou que l'autorité ecclésiastique reconnaît comme telle par un document écrit."

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Cette définition doit être nuancée par le canon 796 §2 selon lequel l'école catholique donne naissance à une communauté éducative dans laquelle coopèrent activement parents et enseignants. Sans doute cette communauté éducatice devra -t-elle veiller au développement intégral des jeunes en formation, c. à d. aussi à leur réalisation proprement chrétienne. Il demeure que ce souci n'est pas explicitement exprimé dans ces articles du Code, paradoxalement muet sur ces dimensions auxquelles il est pourtant attaché. On devra relier en tout cas cette dimension communautaire aux canons 312 et 313 relatifs aux associations dans l'Eglise. On songe moins au demeurant de la relier au canon 216 qui, du point de vue du droit des fidèles, stipule le droit de développer un projet: "Parce qu'ils participent à la mission de l'Eglise, tous les fidèles, chacun selon son état et sa condition, ont le droit de promouvoir ou de soutenir une activité apostolique, même par leurs propres entreprises...".

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Les canons 800 à 806 organisent la responsabilité de l'Evêque ou de l'Ordinaire du lieu dans le domaine de l'école. Cette responsabilité commence par le souci de l'existence même d'une école catholique: "S'il n'y a pas d'école où est donnée une éducation imprégnée d'esprit chrétien, il appartient à l'Evêque diocésain de veiller à ce qu'il en soit fondé." (Canon 802 § 1). Le canon 804 § 1 prévoit que la Conférence des évêques édicte les règles générales relatives à l'enseignement et l'éducation religieuse catholique donnés dans ces écoles - comme dans toute école. "A l'Evêque diocésain revient le droit de veiller sur les écoles catholiques situées sur son territoire et de les visiter" lit-on enfin dans le canon 806. Cette responsabilité est fortement rappelée par Mgr Duval, alors président de la Conférence épiscopale, dans son discours d'ouverture de l'Assemblée extraordinaire de l'épiscopat les 13 et 14 mai 1992 à Paris. L'espoir de Mgr Duval est alors "que l'école soit un lieu d'évangélisation, un lieu d'authentique apostolat". (DC, 1992, n° 2055, p. 743)

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2.3.2. Dans le Statut de l'enseignement catholique

C'est précisément en application du canon 804 que le nouveau Statut de l'enseignement catholique a été promulgué par la Conférence des Evêques de France le 14 mai 1992, Statut complété, amendé et à nouveau promulgué par le Conseil Permanent de la Conférence épiscopale le 11 mars 1996. (Voir aussi La Documentation Catholique, 1992, n° 2055, p. 743-748 qui ne comprend que le Préambule ainsi que les discours de Mgr Duval et de Mgr Marcus). Ce statut comprend deux parties très contrastées: le texte même du Statut qui comprend 102 articles regroupés sous 8 Titres, texte très technique comme on peut en juger par les titres: 1. L'établissement catholique d'enseignement; 2. La reconnaissance canonique; 3. La structure diocésaine; 4. Le Comité académique; 5. Les instances nationales de l'Enseignement catholique; 6. La formation; 7. Les arbitrages; et 8. La modification de ces statuts. Cette partie technique est précédée d'une partie plus doctrinale en 7 points, le Préambule, plus largement diffusé, qui explicite les fondements et l'esprit de l'Enseignement Catholique.

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On n'est pas surpris de retrouver largement développé le thème de la communauté éducative qui peut s'ouvrir comme on le verra à une animation chrétienne sacramentelle. Déjà le point 2 du préambule dont ce n'est pas précisément l'objet ouvre la porte à cette perspective: "Proposant aux jeunes chrétiens qu'il accueille les moyens de grandir dans la foi (souligné par nous), il veut ouvrir à tous les élèves un chemin de croissance en humanité, dans une inlassable recherche de vérité et d'amour". En d'autres termes, le pluralisme nécessaire n'empêche pas la proposition d'une vie sacramentelle. Les questions qui se posent ici s'inscrivent sur deux axes entre différents pôles en tension: pluralisme, explicitation confessionnelle (le prosélytisme étant le point névralgique de cette tension) d'une part; dire et faire (message et expérimentation) d'autre part. Mais c'est au point 5 du préambule, précisément intitulé "Une communauté éducative" que sera le plus explicitée cette exigence. Il faudrait tout lire: "Sous la responsabilité du chef d'établisement qui a reçu mission à cet effet, la communauté éducative s'édifie sur des relations de confiance et d'étroite collaboration entre tous les partenaires: enseignants, parents, prêtres, diacres, religieux (ses), animateurs pastoraux, personnel d'administration et de service, et avec les élèves eux-mêmes "participants et responsables comme vrais protagonistes et sujets du processus éducatif" - les évêques citent ici Jean-Paul II dans un discours à l'Ecole catholique de Lazio en 1985. C'est dire que l'établissement catholique se veut une communauté où l'éducation est comprise comme l'oeuvre de tous, avec le souci de rejoindre chacun personnellement, notamment les plus démunis sur le plan matériel, scolaire, affectif, spirituel." On voit déjà les points d'ancrage de la dimension sacramentelle de cette vie communautaire. Certes, la communauté éducative n'est pas simplement homologuée comme communauté chrétienne: "Animant du dedans la communauté éducative, la communauté chrétienne en est comme son fondement et la source de son dynamisme..." Mais on n'en est pas loin: "L'établissement catholique d'enseignement est un des lieux où se rassemblent des baptisés, le Préambule cite ici le canon 204 "fidèles du Christ..., constitués en peuple de Dieu,... appelés à exercer, chacun selon sa condition propre, la mission que Dieu a confiée à l'Eglise, pour qu'elle l'accomplisse dans le monde"..." (Point 5). Le mot clé est ici la mission ecclésiale. Plus loin, la référence aux sacrements sera tout à fait explicite. Ce qui est proposé, c'est entre autres une "éducation aux sacrements" (Point 6 Service en Eglise).

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Le texte du Statut lui-même est certes plus administratif. Le dispositif de tutelle qu'il organise en son Titre 2 mérite pourtant qu'on s'y arrête pour notre sujet. Sans revenir sur l'article 14 qui rappelle encore une fois la responsabilité de l'évêque, on note une première mention de la pastorale à l'article 15 selon lequel "c'est par l'existence et la mise en oeuvre de son projet éducatif inspiré de l'Evangile et de l'Enseignement de l'Eglise qu'un établissement catholique s'enracine dns l'Eglise diocésaine dont il est un élément important de la pastorale.". Cet article consacre ainsi la mission pastorale des autorités de tutelle diocésaines ou congréganistes, à savoir les Directeurs diocésains et les Supérieurs majeurs des Congrégations proposant un enseignement catholique. L'article 20 prévoit la vérification que leur dynamisme pastoral (Art. 17) et la pratique des établissements sont conformes aux orientations pastorales diocésaines. On imagine mal que la pastorale liturgique et sacramentelle n'en fasse pas partie. Tout les développements autour de la pastorale liturgique et sacramentelle comme responsabilité diocésaine présentés dans le bulletin du Secrétariat d la Conférence des évêques de France au nom de la Commission épiscopale de liturgie et de pastorale sacramentelle s'appliquent parfaitement à l'Ecole catholique (in Documents Episcopat, avril 1998; n° 6). L'article 37 prévoit en tout cas que le Directeur diocésain soit en étroite relation avec tous les organismes qui collaborent à la pastorale du diocèse. C'est encore vrai pour le Directeur d'établissement comme on peut le constater déjà dans le Guide du directeur de l'école catholique de Nelly et Maurice Gautier de 1988 (Lyon, Ed. Robert, 1988, fiches, en particulier la fiche RES. 18).

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2.3.3. Dans le texte d'orientation Voies pour un avenir. Convictions et orientations proposé par le Conseil National de l'Aumônerie de l'Enseignement Public et proclamé en novembre 1998

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Le texte d'orientation du Conseil national de l'Aumônerie de l'enseignement public proclamé lors de Polyphonie pour un avenir en novembre 1998 n'est ni de même nature,ni de même rang juridique que le Statut de l'Enseignement catholique. La comparaison de leur thématique et de leur vocabulaire respectifs met cependant en évidence la convergence tant des problèmes posés que des réponses apportées par les deux structures sur les questions de la sacramentalisation des jeunes. C'est tout d'abord en terme de responsabilité et de mission que l'une et l'autre entendent se situer. Le point 1 du document est ainsi intitulé "Une situation originale, une responsabilité particulière". Après avoir admis la situation de crise de la société aujourd'hui, le texte utilise le terme de signe: "Un projet éducatif prend nécessairement en compte les signes de vitalité et les difficultés dont nous sommes témoins, particulièrement à l'âge de l'adolescence." (Point 2. Face aux grands enjeux d'aujourd'hui)

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La proposition sacramentelle peut s'expliciter et représente l'un des "savoir-faire de l'Aumônerie de l'Enseignement Public" (Point 4). Tout un paragraphe de ce point 4 est directement consacrée à cette question. On peut en faire l'exégèse: "L'aumônerie devient de plus en plus lieu d'initiation chrétienne ou de renaissance dans l'expérience de la foi. L'accueil des jeunes nous invite constamment à accompagner cette recherche d'identité et cette intelligence de soi. Quand cette quête permet d'entrer dans une rencontre autre et renouvelée avec la personne du Christ, c'est le sacrement, baptême-confirmation, qui signifie pleinement cette naissance ou cette renaissance à la vie même de Dieu; Dieu qui s'engage pleinement, par l'incarnation de son Fils Jésus, pour que tout homme vive en plénitude, par l'Esprit". On baigne en pleine théologie. Le métissage entraîné par la diversité des publics scolaires ne fait pas oublier que "Nous vivons avec eux (les jeunes du public) la joie de célébrer et de prier Celui qui nous fait vivre..." et que cette joie de célébrer passe par un travail de relecture et de mémoire. La dimension sacramentelle prend ainsi un relief tout à fait particulier. Après avoir affirmé la consistance propre de cette mémoire individuelle et collective de jeunes scolaires, le texte explicite ce qu'est "Vivre en donnant sens à ce qu'on fait" - je vous lis ici tout le passage très fort pastoralement: "'Faire mémoire', c'est le fondement de notre foi: on n'est croyant qu'en se souvenant

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  • c'est rappeler et reconnaître la présence du Seigneur dans l'histoire de l'aumônerie et dans celle des personnes qui la composent.

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  • c'est confirmer les choix qui engagent une vie dans la fidélité à l'Evangile.

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  • c'est célébrer dans l'eucharistie la réalité de ce corps qu'ensemble nous formons et sommes appelés à former aveec toute l'humanité.

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  • c'est rappeler le chemin du salut réalisé par le Christ et en être renouvelés à notre tour.

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  • c'est indiquer que Jésus-Christ continue de cheminer avec nous pour inventer demain."

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On aura reconnu la panoplie complète des sacrements proposés aux jeunes, sans que jamais aucun d'entre eux ne soit explicitement nommé.

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Le texte s'offre en forme de tract s'achevant en question: "Prenons-nous les moyens de réfléchir ensemble, en termes de situation, de fonction, de service, de signe (je souligne), à la place que chacun peut tenir dans la mission de l'AEP?" La même question qui offre une belle trame à la compréhension de ce qu'est la pastorale s'applique bien évidemment à l'Enseignement catholique, voire à d'autres grandes institutions dans notre Egliese aujourd'hui. Comme le souligne le P. Daniel Boichot, "il n'existe pas une pastorale de l'Enseignement Catholique, mais une pastorale dans l'enseignement Catholique qui est celle du Diocèse" et plus loin: "La Pastorale ne se réduit pas à la catéchèse. La catéchèse, la culture religieuse et l'éveil de la foi sont des moments forts de la Pastorale. La Pastorale, c'est ce qui fait vivre l'établissement: les relations, l'accueil, l'ambiance, le service, le partage, vivre du Christ et le célébrer." (Fiche Pastorale et responsable académique, in http://www.udapel06.org/ng/fiches/respacapastong.html). Comme l'écrit encore un lecteur de La Croix dans un courrier surtitré par la rédaction Enseignement et liturgie, il s'agit de "sortir de l'ornière scolaire et de l'enseignement purement didactique: toute annonce de la Parole de Dieu doit être faite comme une liturgie" (P. Roger Debort, de la Corrèze, in La Croix, 24 novembre 1998, p. 16)

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Conclusion. Chercher des voies nouvelles

On a vu comment l'articulation entre paroisse, proposition sacramentelle et communauté éducative renvoyait à des notions structurant chacun des ordres en question. Ces notions évoluent sans cesse, appelant des formalisations nouvelles, dans les perspectives que suggère la théologie pastorale aujourd'hui. Là encore on peut partir,

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  • soit de la pastorale des sacrements: Felix Placer, Signos de los tiempos, signos sacramentales, Madrid, 1991, par exemple,

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  • soit de la pastorale paroissiale avec Alphonse Borras, Les communautés paroissiales. Droit canonique et perspectives pastorales, Paris, 1996 et Desmond Ryan, The Catholic Parish. Institutional Discipline, Tribal Identity and Religious Development in the English Church, Londres, 1996, par exemple,

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  • soit encore de la pastorale des jeunes (Jean-Paul Sauzet, La jeunesse de Dieu. De l'accueil des jeunes à l'initiation chrétienne, Paris, 1989, p. ex.) ou de la pastorale scolaire ("Pédagogie et pastorale", in Cahier de pastorale scolaire, Faculté de théologie de l'Université de Sherbrooke, avril 1977, n° 7, ou Gerhard Büttner, Seelsorge im Religionsunterricht, Stuttgart, 1991, ou encore Terence McLaughlin, Joseph O'Keefe, et Bernadette O'Keeffe, The Contemporary catholic School. Context, Identity and Diversity, Londres et Washington, 1996,

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pour citer quelques unes des productions pastorales aujourd'hui si nombreuses sur le sujet.

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On remarque immédiatement le caractère très hétérogène de ces approches pastorales. Cette hétérogénéité ne doit pas décourager. Leur croisement suggère néanmoins les quelques voies nouvelles suivantes pour la vie et l'action des acteurs de l'Eglise aujourd'hui, dans ce domaine de la foi vécue des jeunes.

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Passer d'une pastorale "sacramentaliste" à une pratique chrétienne tout entière sacramentelle

On a vu d'où venaient certains des problèmes rencontrés dans l'articulation entre paroisse, sacrements et communauté éducative. Il faut considérer posément les conduites qui font problèmes. La volonté persistante de structurer toute la vie paroissiale autour de sacrements présentés et vécus dans les formes héritées de temps où la foi chrétienne était un prérequis social ne pouvait manquer de susciter les crispations qu'on a parfois observées de la part de certains responsables clercs ou même laïcs désireux d'être rassurés sur le bon foncionnement de leur organisation ecclésiale. Comment admettre l'hémorragie régulière de ces jeunes qui sitôt après la profession de foi, disparaissaient pratiquement des registres du curé jusqu'au moment de leur mariage? On peut parler au passé. Depuis, c'est le mariage lui-même qui est entré en crise.

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On pensait s'en sortir en toilettant simplement les sacrements pour les rendre plus attractifs. La conduite proposée était courageusement réformatrice et sans nul doute couronnée de certains résultats. Mais force est de constater que, malgré tous les efforts engagés depuis le Concile, la pratique sacramentelle s'érode lentement et constamment dans les églises. Ce sentiment est d'autant plus fort que même ceux qui ne vont pas à l'Eglise et qui ne pratiquent plus ont intégré ce critère de la pratique qui n'est plus la leur. Eux-même partagent cette conception sacramentaliste dans la mesure où ils considèrent que l'église qu'ils ne fréquentent plus reste le lieu normal de cette pratique et que les sacrements qu'ils ne pratiquent plus ou alors très exceptionnellement, ces sacrements qu'on avait mis tant de temps à essayer de leur imposer, ces sacrements sont bien les actes essentiels de la pratique chrétienne. Comment dans ces conditions "réveiller la vie" à partir des sacrements ainsi que le suggèrait déjà Gérard Fourez en 1982 (Les Sacrements réveillent la Vie, Paris, Centurion)?

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Jean-Paul Sauzet en doute beaucoup dans un livre sur la pastorale des jeunes en 1989, La jeunesse de Dieu. De l'accueil des jeunes à l'initiation chrétienne: "Dans le monde d'hier, où le christianisme rythmait la vie sociale et le temps, une pastorale centrée sur la vie sacramentelle suffisait à structurer la foi des nouvelles générations. Mais la culture actuelle ne dispose plus le jeune à entrer dans une telle démarche. Il (le jeune) a en général "mieux à faire" entre les exigences de la vie scolaire et les loisirs." (Jean-Paul Sauzet, La jeunesse de Dieu. De l'accueil des jeunes à l'initiation chrétienne, Paris, Nouvelle Cité, 1989, p. 22) Sauf, bien sûr à passer d'une pastorale "sacramentaliste" à une pratique chrétienne tout entière sacramentelle.

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Mettre la communauté "hiérarchique" en synergie pastorale avec les communautés associatives et faire vivre le droit de l'Eglise

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On a vu comment pouvaient s'opposer dans certaines pratiques la fonction de gouvernement des clercs qui structure fondamentalement la paroisse dans le droit actuel et celle, non moins vitale, du peuple de Dieu dans ses aspirations et dans ses réalisations communautaires telles qu'elles apparaissent dans la nouvelle constitution ecclésiale. C'est entre autre par un droit des associations revisité qu'on peut imaginer une prise en compte vraiment réaliste de ce droit de la communauté à faire entendre ses besoins et à y proposer des réponses adaptées.

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Des instances de représentation des communautés, conseils pastoraux, équipes de pastorale catéchétique, etc. se forment qui font l'apprentissage difficile et parfois douloureux de ce dialogue. N'est-ce pas en mettant la communauté "hiérarchique" en synergie pastorale avec les communautés associatives qu'on fera vivre le droit de l'Egllise sur ce terrain particulièrement exposé de l'éducation et de l'enseignement?

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Aller à la rencontre des jeunes et offrir un espace où peuvent se poser des gestes et se dire des paroles qui engagent

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Avant ou au delà de la pratique sacramentelle régulière dans laquelle l'Eglise peine généralement à entraîner les jeunes générations, le droit peut prioriser l'ouverture et l'apprentissage progressif de la vie chrétienne par des jeunes qui se présentent comme des mutants. Comme ils se doivent de s'aventurer progressivement dans les gestes et les paroles qui engagent, il se doivent de reconstituer le droit qui les structurera dans des espaces propres et dans un champ libre essentiel à cet engagement. Ainsi, ce n'est plus seulement un contenu théologique, moral et mystagogique qui est l'objet de la découverte et de l'apprentissage, mais c'est le droit lui-même qui s'apprend dans une expérience spirituelle dont nombre d'éducateurs et beaucoup de saints ont perçu et traduit institutionnellement les enjeux, souvent de manière originale.

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