Vlassios I. Phidas, Droit canon

Une perspective orthodoxe, Genève, Centre orthodoxe de Chambésy, 1998, 228 p.

 

Hinweis: Diese Rezension übernehmen wir mit freundlicher Genehmigung aus der Revue de droit canonique (Strasbourg).

 

M. Vlassios Phidas est professeur d'histoire de l'Église et de droit canonique à l'Université d'Athènes et à l'Institut de théologie orthodoxe du Patriarcat œcuménique à Chambésy, en Suisse. Auteur de nombreux ouvrages en grec, en anglais et en français, il est particulièrement compétent pour présenter le droit canonique dans une perspective orthodoxe.

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Un premier chapitre introductif présente les sources et l'esprit du droit canonique. Les ch. 2 et 3 sont classiquement consacrés à un résumé des canons des sept conciles œcuméniques (Nicée, Constantinople, Ephèse, Chalcédoine, Quinisexte - recouvrant les 5e et 6e conciles -, Nicée II), qui sont le fondement du droit canonique, et aux canons des conciles locaux. Les chapitres suivants présentent une réflexion novatrice : principes de renouveau de la tradition canonique (ch. 4) ; application des canons (ch. 5) ; évolution des canons (ch. 6). Enfin, en annexe, on trouve une fort utile concordance des canons.

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" L'Écriture Sainte est la source fondamentale du droit canonique ", dit l'auteur. Le rapprochement peut surprendre : bien des chrétiens sont habitués à soigneusement distinguer, voire à opposer Bible et Église, inspiration et institution, grâce et loi. Le luthérien Rudolph Sohm proclamait au début du siècle l'incompatibilité radicale entre droit canonique et véritable Église : " La nature spirituelle de l'Église exclut toute organisation juridique ", disait-il. La critique souvent adressée, depuis Luther, au droit canonique catholique, est d'être devenu un instrument de pouvoir fort éloigné de l'Évangile. La conception orthodoxe nous offre des pistes essentielles pour une réconciliation entre le " spirituel " (l'Église est régie par l'Esprit saint et soumise à sa tête, le Christ) et le " juridique " (l'Église est régie par des lois et soumise à des institutions). Ces pistes passent par le mystère de l'incarnation : l'Église, comme Jésus-Christ, est " divino-humaine ". Les " saints canons " sont au service de la mission de l'Église qui est d'annoncer l'Évangile.

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C'est à partir de ces prémisses, rappelle V. Phidas, qu'il faut interpréter les canons : il faut les référer " à la plénitude de l'expérience sacramentelle, pastorale et spirituelle de l'Église à laquelle se rapporte le contenu entier de la tradition canonique ". En même temps, il faut savoir distinguer le fond et la forme, le contenu spirituel et l'enveloppe historique, en utilisant toutes les ressources herméneutiques modernes.

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Les évolutions ne sauraient concerner le fond, l'esprit des canons.. On ne peut améliorer le droit canon, puisque celui-ci exprime quelque chose de l'Évangile. Mais on doit, on peut l'adapter aux circonstances de temps et de lieu, par exemple sous forme de Charte constitutionnelle de l'Eglise telle qu'il en existe une en Grèce depuis 1977, charte à laquelle V. Phidas a contribué.

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La voie normale d'évolution du droit canonique est la réunion du Concile œcuménique. L'auteur souligne que, selon la tradition orthodoxe, toute l'activité de l'Église est conciliaire ou synodale. Cependant, depuis le schisme de 1054 entre Rome et Constantinople, l'Église orthodoxe évite de réunir formellement des conciles qui n'auraient d'œcuménique que le nom, puisque l'Occident n'y participerait pas pleinement. De toute façon, le " joug turc " sur le monde orthodoxe depuis la chute de Constantinople en 1453 empêchait toute initiative en ce sens. Les conditions sont-elles plus favorables aujourd'hui à la réunion d'un concile au moins panorthodoxe ? Les difficultés ne manquent pas. V. Phidas n'hésite pas à dénoncer par exemple les tendances " ethnocratiques ou même ethnophylétiques " qui traversent certains pays de tradition orthodoxe. Les Églises orthodoxes préparent cependant activement, grâce au secrétariat installé à Chambésy, ce " grand et saint concile ", et considèrent qu'elles vivent déjà une véritable expérience conciliaire par le truchement des procédures préconciliaires. La réunion du concile lui-même est prévue pour les premières années du 3e millénaire.

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On le voit, l'ouvrage de Vlassios Phidas est riche. Il offre au lecteur occidental un manuel de droit canonique orthodoxe à jour, ouvert, dont l'inspiration profondément théologique force le respect.

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Jean Werckmeister